Mesure de la distance Terre-Soleil par l'observation du passage de Vénus devant le Soleil
Texte tiré du dossier "Transit de Vénus" des Cahiers-Clairaut n°105, 106, 107 et 108.
L'événement est rare. Pour le moment, les transits apparaissent par paires. La dernière paire s'est produite en 1874 et 1882. La prochaine paire sera celle de 2004 et 2012. Puis il faudra attendre l'année 2125.
Utilisation du phénomène
Halley, le découvreur de la comète du même nom, a proposé d'utiliser le transit de Vénus pour déterminer la distance Terre-Soleil. Le calcul n'est pas simple, l'observation n'est pas facile, mais c'est effectivement réalisable. C'est l'une des principales applications de ce phénomène. On peut en imaginer quelques autres comme le test des méthodes de recherche d'objets faibles à proximité d'une étoile brillante (ex.: recherche de planètes extrasolaires). En 1769, les astronomes essayaient d'utiliser le phénomène pour déceler l'atmosphère de Vénus.
La mesure de la distance Terre-Soleil reste l'application la plus classique du transit de Vénus. Mais attention : les pièges sont nombreux. Nous allons en expliquer brièvement quelques-uns. Nul doute que cela stimulera l'imagination des lecteurs.
fig.1 La mesure de l'angle de parallaxe p = (a1 - a2),
permet d'obtenir la distance MO.
Tout le monde connaît, sans doute, la méthode de la parallaxe qui permet de mesurer la distance d'un objet lointain. On vise un objet O depuis deux sites distants A et B (cf. Figure 2). On désigne par M le milieu de AB et on suppose que MO est perpendiculaire à AB. On mesure les angles a1 et a2) par rapport à une direction de référence donnée par des astres lointains que nous supposerons à l'infini. La différence (a1 - a2) est égale à l'angle p, dit angle de parallaxe. Si on connaît la longueur AB, une simple résolution du triangle isocèle OAB donne la distance OM. Généralement la longueur AB est très inférieure à la longueur OM, de sorte que l'on peut dire que OAOBOM.
Dans toute cette explication, on a supposé implicitement plusieurs choses : le segment AB est fixe et perpendiculaire aux lignes de visée, on possède une direction de référence fixe dans l'espace. Aucune de ces conditions n'est généralement remplie dans l'application que l'on en fait au transit de Vénus.
Les méthodes usuelles
Première méthode :
Deux observateurs distants (A et B) mesurent les temps de transit de Vénus. Ces temps définissent les longueurs des cordes correspondantes sur le disque solaire, donc leurs positions. L'écart angulaire entre ces cordes semble correspondre à la parallaxe cherchée, mais ce n'est qu'une approximation.
En effet, pendant la durée du transit, la Terre a tourné sur elle-même, les observateurs se sont déplacés, la direction AB a changé par rapport à l'objet visé, la Terre a tourné autour du Soleil et même le plan de la trajectoire de Vénus a pris un angle différent par rapport aux observateurs. De plus, la distance angulaire entre les deux cordes n'est pas non plus la parallaxe cherchée. Bref, il y a là un problème de géométrie dans l'espace d'une difficulté bien réelle.
Deuxième méthode :
Cette méthode semble fournir une solution simple. Imaginons que les deux observateurs prennent, à la même heure, une photo montrant Vénus sur le Soleil. Les télescopes étant bien réglés, la superposition des deux photos semble conduire directement à l'angle de parallaxe, par la mesure du décalage entre les deux images de Vénus. Eh! bien non! Superposer les deux photos revient à supposer qu'au même instant les deux observateurs voient le Soleil dans la même direction, ce qui est faux. Le Soleil, aussi lointain qu'il soit, n'est pas à l'infini. Rassurez-vous, le problème n'est pas insurmontable mais c'est moins simple que ce qu'on raconte souvent.
Cette deuxième méthode est néanmoins la plus facile à mettre en uvre pour une application précise. Nous en reparlerons plus loin...
Attention !
Le résultat que l'on obtient n'est pas l'unité astronomique mais la distance Terre-Soleil le 8 juin 2004. Pour obtenir l'unité astronomique, c'est-à-dire le demi grand axe de l'orbite de la Terre, il faut connaître tous les autres éléments de l'orbite de la Terre (excentricité, direction de l'aphélie etc
).
Troisième méthode :
Cette méthode est la méthode dite de Delisle. Elle fonctionne en utilisant une connaissance approximative de l'Unité Astronomique (UA), connue a priori.
Les éléments des orbites de la Terre et de Vénus peuvent être obtenus par l'observation directe, à l'exception de la valeur des demis grands axes. Celui de l'orbite de la Terre est précisément l'UA que nous cherchons ; celui de Vénus en est une fraction connue, grâce à la troisième loi de Kepler. Si nous possédons une première estimation de l'UA, il est possible, au prix d'un calcul complexe, de prédire les instants des contacts. L'écart entre la valeur prédite et la valeur observée, pour le contact choisi, sera relié à l'écart entre la première valeur adoptée de l'UA et la valeur mesurée. Si notre première estimation de l'UA n'est pas excellente, il sera possible de faire des itérations, c'est-à-dire de réinjecter le premier résultat dans le calcul et de recommencer jusqu'à obtenir une convergence vers le résultat final.