Autour de la pollution lumineuse

par Jean-Michel VIENNEY Groupe CLEA Ciel étoilé last modified 2023 Nov 03 13:49

Publication du groupe Ciel étoilé (animation Sylvie Thiault) en 2020

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Certains préfèrent parler de nuisances lumineuses, comme il y a des nuisances sonores.

C'est déjà reconnaître qu'il y a « nuisances ». Mais nuisances pour qui ? Pourquoi ?

La "pollution lumineuse", liée à un excès de lumière la nuit, partage les mêmes problématiques que les autres types de pollution (air, eau, sol), de par ses impacts écologiques, socioculturels et sanitaires. Elle a cependant ses spécificités : elle ne nous est pas directement et immédiatement "perceptible" (bien qu'elle ait des effets sur la santé humaine, voir plus bas), contrairement aux pollutions de l'air (difficultés à respirer), du sol (difficultés pour se nourrir) ou de l'eau (difficultés pour s'hydrater), ce qui rend sa problématique plus difficilement compréhensible au premier abord. De plus, son empreinte s'étend sur des échelles plus grandes que les autres pollutions : depuis le sommet du Pic du Midi de Bigorre, dans les Pyrénées, les halos lumineux en provenance de Toulouse et Barcelone, à plus de 100 et 200 km de l'Observatoire, sont nettement visibles ! La bonne nouvelle c'est que la cause de cette pollution, contrairement aux autres dont les effets s'étalent dans le temps, peut être réduite instantanément et sans effets résiduels : il suffit d'éteindre les lumières artificielles nocturnes.

Reste alors à n'éclairer que le nécessaire !


 La lutte contre la perte de la nuit.

  • En 1958, la ville de Flagstaff (Arizona, E.U.) décide de réglementer l'éclairage public pour protéger l'activité de l'observatoire Lowell.
  • En 1972, c'est la ville de Tucson (Arizona) proche de l'observatoire de Kitt Peak qui adopte , sous la pression des astronomes, une réglementation protectrice du ciel nocturne.
  • Les décennies qui suivent voient le problème se répandre sur la planète avec le développement des centres urbains, des mobilités et un coût faible de l'énergie électrique.
  • La gêne occasionnée, de plus en plus importante, accélère la prise de conscience.
  • Dès 1976, l'UAI adopte une résolution demandant la protection des sites astronomiques.
  • Et en 1980 la Commission internationale de l'éclairage émet une recommandation pour diminuer le halo autour des observatoires.
  • En 1988 le "Dark-Sky Movement" nord-américain crée l'IDA ( International Dark-Sky Association )
  • En 1992 le réseau national du "Dark-Sky Movement" français rédige une charte pour la préservation de l'environnement nocturne, avec le soutien de figures médiatico-scientifiques renommées (H. Reeves, A. Jacquart, J.-Y. Cousteau).
  • En 1994 le CNPCN ( Comité National pour la Protection du Ciel Nocturne ) voit le jour au sein de la Société astronomique de France.
  • En 1998 le CNPCN se transforme en ANPCN ( Association Nationale de Préservation du Ciel Nocturne ) qui dépose ses statuts. La lutte pour la préservation du ciel nocturne s'organise un peu partout dans le monde. Petit à petit les effets néfastes occasionnés au vivant en général sont intégrés au problème.
  • En 2006 l'ANPCN devient l'ANPCEN ( Association Nationale de Préservation du Ciel et de l'Environnement Nocturne ), ce qui permettra de faire adopter un projet de loi sur la protection du ciel nocturne par le Grenelle de l'environnement.
    Finalement, on assiste à la reconnaissance de la nécessité de protéger le ciel nocturne en tant que bien commun à préserver pour l'ensemble des organismes vivants sur notre planète. Chacun à droit à l'obscurité !
  • Le 28 décembre 2018, deux arrêtés visant à réguler l'éclairage artificiel nocturne sont publiés au Journal Officiel. Le premier porte les 13 sites "d'observation astronomique exceptionnels" autour desquels une zone de protection de 10 km de rayon est établie. Le second encadre la conception et le fonctionnement de différents types d'éclairage nocturne avec plusieurs contraintes imposées sur les horaires d'allumage, l'intensité lumineuse, les températures de couleur des sources.
  • En septembre 2021 le congrès mondial de la Nature qui se tient à Marseille adopte une motion pour « Agir pour réduire la pollution lumineuse ».   « Le Congrès mondial de la nature de l’UICN, lors de sa session à Marseille, …() 3. DEMANDE à tous les Membres de l'UICN et aux organismes qui gèrent des zones terrestres et aquatiques d'élaborer, de diffuser et de mettre en œuvre des programmes d'engagement, d'éducation et de sensibilisation visant à expliquer les effets néfastes de la pollution lumineuse, les avantages de la préservation de l'obscurité naturelle et les méthodes de réduction de la pollution lumineuse …»   

 

La pollution lumineuse : qu'est ce que c'est ?

La pollution lumineuse provient de toutes les sources d'éclairage artificiel. Cela va des lampadaires de nos rues, aux phares des véhicules en passant par les enseignes des magasins et des usines, les écrans publicitaires et nos fenêtres éclairées.

Elle peut être aggravée par la pollution atmosphérique. En effet les particules fines en suspension, les différents aérosols provoquent la réflexion de la lumière émise. Le rayonnement se diffuse en un halo lumineux qui peut être visible à plusieurs dizaines de kilomètres, voire plus.

L'éclairage artificiel est en croissance continue de plus de 2 % par an. Les nouvelles sources lumineuses étant plus économes en énergie, on les multiplie. Ce sont généralement des LED blanches qui émettent trois fois plus de lumière bleue que les anciennes lampes à sodium .

C'est plus du tiers de la population mondiale qui est privée de Voie lactée ( jusqu'à 60 % des Européens et 80 % des Nord-américains). Les humains sont en train de perdre leur droit à l'obscurité.  Certes la luminosité du ciel nocturne ne peut pas être imputée totalement aux éclairages artificiels. Elle dépend aussi de causes tout à fait naturelles : présence de la Lune, aurores boréales, ... Mais la pollution lumineuse est un phénomène lié à l'activité humaine. Et il est possible de la limiter.

L'effet sur la biodiversité:

Les animaux nocturnes sont perturbés par les éclairages artificiels.
Les oiseaux migrateurs désorientés par les lumières artificielles périssent en grand nombre en rentrant en collision avec des structures artificielles ( pylônes, bâtiments…).
Les tortues marines juste écloses sont empêchées de trouver leur chemin vers l'océan. Les cycles biologiques des animaux ( veille, reproduction...) sont perturbés par des durées et des intensités d'éclairement augmentées.
Certaines espèces ont adopté un mode de vie nocturne pour éviter la compétition avec les espèces diurnes, pour se camoufler, pour avoir des conditions plus favorables de température, d'humidité...

Mais un éclairage inapproprié les prive de l'environnement favorable à leur survie. A l'inverse, un éclairage artificiel peut favoriser la prolifération d'espèces diurnes : étourneaux, pigeons en milieux urbains par exemple.

Les végétaux ne sont pas épargnés par l'augmentation des éclairages artificiels. Ainsi la disparition d'un pollinisateur nocturne peut avoir des conséquences sur la fructification de telle ou telle plante.

Il a aussi été observé qu'une augmentation des éclairages artificiels provoque l'éclatement anticipé des bourgeons des arbres.  

L'effet sur la santé humaine :

L'organisme humain a besoin de l'alternance lumière/obscurité pour respecter le rythme circadien qui commande les différents cycles biologiques.

La synchronisation de notre horloge interne se fait essentiellement grâce à la lumière. L'absence d'obscurité peut perturber l'endormissement. Mais des maladies graves sont aussi associées à ces troubles du rythme circadien.

Cet effet désynchronisateur est plus important encore avec la lumière bleue, et c'est cette même lumière bleue qu'émettent largement les LED blanches. Des trouble du sommeil ou des problèmes métaboliques sont suspectés. De plus, le « rayonnement bleu » des LED est reconnu comme étant nocif pour les yeux humains, pouvant en cas d'exposition prolongée provoquer des maladies de l'œil comme des lésions de la rétine, une cataracte, …  

Pour certaines régions du monde comme Singapour, les Émirats Arabes Unis le ciel nocturne est si lumineux que l'œil n'a plus l'occasion de s'adapter à la vision nocturne.


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