La mesure de la vitesse de la lumière
Détermination de la vitesse de la lumière par la méthode historique de Römer
Cette activité est présentée sous la forme d'un exercice. La première partie utilise le passage de Io dans l'ombre de Jupiter. Elle est très simple et sera faisable rapidement. En revanche, dans la deuxième partie (utilisation des passages de Io devant Jupiter), les calculs sont trop complexes et trop nombreux pour être effectués au cours d'une simple séance d'exercice. Aussi, seront-ils donnés, après que le mode opératoire ait été expliqué. Sur le graphique final ainsi préparé, il sera possible d'effectuer des mesures qui conduiront à la mesure de c par la méthode de Römer.
L'intérêt de présenter les deux méthodes est d'alerter les utilisateurs sur les difficultés qui apparaissent quand on utilise un autre phénomène que le passage de Io dans l'ombre de Jupiter.
Explication de la méthode de Römer en utilisant les éclipses de Io
Le satellite Io passe régulièrement devant Jupiter. On l'observe facilement quand il passe devant Jupiter. Io passe aussi régulièrement dans l'ombre de Jupiter. Cette éclipse n'est pas toujours observable. Parfois on ne voit que le début de l'éclipse, parfois on ne voit que la fin, selon la position de la Terre par rapport à la direction de l'ombre. Peu importe, la durée réelle entre deux débuts ou deux fins d'éclipse est la même, du moins si nous supposons que Io tourne régulièrement autour de Jupiter. Cette durée est la période orbitale de Io. Nous la désignerons par Po.
Si un événement (début ou fin d'éclipse) se produit à l'instant t1, je l'observerai sur Terre à un instant t1+L1/c, où L1 est la distance qui sépare Jupiter de la Terre. L'événement suivant se fera en t2 et sera observé en t2+L2/c. Si la distance Terre Jupiter n'a pas varié, L1=L2. Mais ce n'est pas le cas, car La Terre se déplace et Jupiter aussi, dans leur révolution autour du Soleil.
La période vraie de la révolution orbitale de Io est Po=t2-t1. En négligeant pour l'instant tout autre phénomène parasite, la période observée est P = t2-t1 + (L2-L1)/c = Po +(L2-L1)/c. Montrons que si nous pouvons mesurer, à deux époques de l'année, les périodes observées (P' et P"), il est possible de déterminer c, si les deux époques d'observation correspondent à celles pour lesquelles la Terre a un déplacement en direction ou à l'opposé de la direction de Jupiter.
Montrons que cette relation s'écrit, comme un effet Doppler-Fizeau : v / c = (P'-P")/ 2 Po, où v est la vitesse orbitale de la Terre. Les variables P' et L' se rapportent à l'époque où la Terre se dirige vers Jupiter et les variables P" et L" à celle où la Terre s'éloigne de Jupiter.
P' = Po + (L'2-L'1)/c
P" = Po + (L"2-L"1)/c
Si v est la vitesse orbitale de la Terre autour du Soleil,
L'2-L'1 = v.( t2-t1)= v.Po
et
L"2 - L"1 = -v.Po.
Le signe moins de la deuxième équation provient de ce que la Terre se rapproche de Jupiter (L"2 < L"1). La période observée est plus longue que Po quand la Terre s'éloigne de Jupiter et plus courte quand elle s'en approche.
On tire donc
P'-P" = (L'2-L'1)/c - (L"2-L"1)/c = 2vPo/c.
C'est-à-dire :
v/c = (P'-P")/ 2Po (1).
On reconnaît une relation Doppler-Fizeau, pour une vitesse relative 2v. Le facteur 2 provient de ce que la vitesse orbitale de la Terre v est comptée une fois dans un sens et une fois dans l'autre sens. A l'époque de Römer, la relation Doppler-Fizeau n'était pas connue.
Nous avons pris, au hasard, les observations de l'année 1979, du moins telles qu'elles étaient prédites par le Bureau des Longitudes. Mais auparavant, nous devons trouver les époques où la Terre se déplace vers Jupiter ou à l'opposé de Jupiter.
Nous allons construire les positions relatives Terre Jupiter, à partir des positions héliocentriques de la Terre et de Jupiter (tableau 1 ci-dessous).
Quelles seraient les deux dates t' et t" (approximatives) les plus propices à une mesure précises ?
On trouve sur le graphique que l'époque où la Terre s'éloigne de Jupiter est autour de la fin mars 1979. L'époque où la Terre se dirige vers Jupiter est autour du 1er décembre 1979. Relevons, à partir des éphémérides, les commencements ou les fins d'éclipses autour de ces deux époques.
Eclipses fins (notées E.f.) sur les éphémérides. 12 mars 21h 38,0min |
On déduit la période en prenant la moyenne des deux déterminations
(1,77007+1.77000)/2=1.77003
Eclipses commencements (notées E.c.) sur les éphémérides. 1 décembre 12h 13,6min
|
On déduit la période en prenant la moyenne des deux déterminations :
(1,76965+1.76958)/2 = 1.76962
On constate bien que la période observée est plus longue quand la Terre s'éloigne de Jupiter et, réciproquement, plus courte quand la Terre s'approche de Jupiter. Nous adopterons pour période orbitale moyenne de Io la moyenne de ces deux déterminations, d'où Po = 1,76983 (la valeur réelle est 1,769137). En prenant pour l'unité astronomique 1 U.A. = 150 .106 km, la vitesse orbitale de la Terre est :
v = (2 p x 150 000000)/(365,25 x 24 x3600) = 30 km/s.
A partir de notre relation 1 nous trouvons la vitesse de la lumière :
c = 2 v Po /(P'-P")
c = 2 x 30 x 1,76983/(1,77003 - 1,76962) = 260 000 km/s
Ce qui est une approximation acceptable de la vitesse de la lumière.
Un terme correctif peut être appliqué. En effet, la direction de l'ombre de Jupiter varie légèrement car Jupiter se déplace un peu. La variation de la longitude héliocentrique de Jupiter, pendant la durée d'une période est de 0,0039 en mars et de 0,0038 en décembre. Les débuts ou fins d'éclipse sont allongés entre les instants 1 et 2, de sorte les périodes t1-t2 sont raccourcies des mêmes valeurs. La correction n'est pas négligeable et conduit à c = 342 548 km/s.
Nous avons utilisé les éclipses de Io. Peut-on utiliser n'importe quel phénomène périodique (par exemple les temps de début de passage de Io devant Jupiter) pour mesurer la vitesse de la lumière ? C'est ce que nous allons étudier.
Utilisation des débuts de passage de Io devant Jupiter
Les passages de Io devant Jupiter peuvent s'observer à chaque cycle. Le nombre de mesures est donc très grand. On peut penser que ce phénomène périodique est plus favorable que l'observation des éclipses. Qu'en est-il exactement ? C'est ce que nous allons étudier.
La construction de la variation de P (période des commencements des passages de Io devant Jupiter) en fonction du jour de l'année donne la figure ci-dessous (tracé fait en noir). Les irrégularités sont dues aux erreurs d'arrondi.
Nous voyons que la variation globale est bien visible. En prenant pour l'unité astronomique 1 U.A.=150.106 km, on peut calculer la vitesse orbitale de la Terre pour les deux époques considérées dans l'exercice précédent. Un calcul similaire permet de déduire la valeur de c.
Le résultat est fort décevant (erreur pouvant atteindre un facteur dix). Quel est l'effet que nous avons négligé qui explique un pareil désaccord ? Il s'agit de l'effet de parallaxe. En effet, contrairement au début d'une éclipse, le temps du début du passage de Io devant Jupiter dépend de la position de la Terre. Or la Terre se déplaçant, l'influence sur la mesure du temps est importante. On peut corriger de cet effet en prenant en compte la variation de longitude géocentrique de Jupiter pendant une période. La correction à appliquer sur la période se calcule ainsi :
DP=Dlgéo.Po= Dlgéo (1,77/360)
où Dlgéo est la variation journalière de la longitude géocentrique de Jupiter pour l'époque considérée (mars ou décembre). La correction est calculée pour la durée de la période moyenne Po. On estime Po à partir de la courbe non corrigée. Elle est exprimée en jour. En appliquant cette correction on obtient la courbe en rouge qui montre que la variation de la période est bien plus faible.
Nous pouvons calculer Po, P' et P" à partir d'un agrandissement de la courbe corrigée et reprendre alors le calcul de c. Les calculs ont été faits avec la totalité des mesures à l'aide d'un programme informatique. On trouve : Po = 1.76915 ± 0.00004 (la valeur admise est 1.769137). Entre les jours 70 et 130 (mi-mars) P' = 1.76928 et entre les jours 300 et 360 (décembre) P" = 1.76899.
On obtient alors :
(P'-P")/2Po = 0.00008 et avec v = 30km/s on trouve c = 366031 km/s.
Le résultat n'est pas meilleur, mais la réalisation est infiniment plus difficile que la méthode utilisant les éclipses de Io.
LONGITUDES HELIOCENTRIQUES DE JUPITER ET DU COUPLE TERRE-LUNE POUR 1979