Testons la vitesse de la lumière

par Georges Paturel last modified 2010 Apr 15 14:06

Paturel G. et Valvin P.


       La mesure de la vitesse de la lumière a joué un rôle privilégié dans l'histoire de sciences. Elle a excité les imaginations et continue de le faire même si le problème ainsi posé a perdu son sens depuis qu'une convention fixe la vitesse de la lumière à une valeur bien déterminée :

c= 299792,458 km.s-1

A défaut de faire la mesure pour améliorer la connaissance de c, il est envisageable de refaire les expériences historiques de Foucault ou de Fizeau. L'aventure a souvent été tentée mais souvent sans succès car ces expériences ne sont pas faciles à bricoler. Faute de mesurer c on mesure au moins le génie de nos glorieux prédécesseurs qui devaient rivaliser d'ingéniosité pour surmonter les difficultés innombrables. Car la lumière va vite... très vite.

Nous avons voulu nous lancer dans l'aventure à notre tour mais en utilisant les moyens électroniques modernes : un laser modulable, un générateur de signaux pour moduler le laser, un récepteur optique, un oscilloscope à deux voies, quelques alimentations électriques de laboratoire et... un tunnel. Nous allons décrire l'expérience et vous livrerons les résultats bruts et les commentaires qu'ils nous inspirent.

 

DESCRIPTION DE L'EXPERIENCE

Le principe de l'expérience se comprendra aisément. Un laser est placé à l'entrée du tunnel sur un bâti bricolé avec quelques tubes en PVC et quelques planches (pour la petite histoire ce tunnel servait jadis aux astronomes expérimentateurs de l'observatoire de Lyon mais il a été relégué au rang de fourre-tout sale et insalubre).
Le faisceau lumineux du laser est modulé à l'aide d'un générateur de laboratoire. Il faut dire que ce laser était prévu pour ça. Le signal sinusoïdal de modulation est envoyé à l'entrée de modulation du laser et sur l'entrée A de l'oscilloscope. A l'autre bout du tunnel nous avons placé un miroir supporté par un autre bâti bricolé (un vieux transformateur électrique sur lequel nous avions collé le miroir, le tout supporté par une planchette en bois, orientable par un système tirant poussant et inclinable par des pieds à vis).

 

Le faisceau revient donc en écho vers le laser après avoir fait un aller et retour dans le tunnel. Ce faisceau réfléchi est alors capté par un récepteur optique composé d'une photodiode rapide et d'un petit amplificateur de notre conception (schéma ci-joint). La sortie de l'amplificateur est envoyée sur l'entrée B de l'oscilloscope. Il n'y a pas besoin de faire un dessin (nous allons le faire quand même) pour vous faire comprendre.
Nous enregistrons sur l'oscilloscope le décalage Dt1 entre les deux sinusoïdes, pour le miroir en position 1 (miroir proche) et Dt2 pour le miroir en position 2 (miroir distant). La vitesse de la lumière s'obtient simplement par c = 2.L/(Dt2 - Dt1), les deux positions de miroir étant séparées d'une longueur L.

 

 

Mais vous l'avez compris, c étant fixé par décret, la mesure ne conduisit en fait qu'à la mesure de la longueur du tunnel.

 

Vous pourrez vous demander pourquoi faire l'expérience dans un tunnel. C'est vrai que ce n'est pas rigoureusement indispensable (tout le monde n'a pas un tunnel à disposition). Il est cependant plus facile de détecter l'écho quand il n'y a pas trop de lumière parasite. Une autre remarque s'impose. Le fait de faire une mesure différentielle entre deux positions du miroir réflecteur nous permet de faire disparaître les déphasages que l'électronique introduit. Par expérience nous avons constaté qu'il était préférable d'utiliser une modulation sinusoïdale plutôt qu'une modulation par impulsions. A première vue il peut sembler plus facile de mesurer l'écart dt entre deux impulsions bien verticales. Malheureusement, l'impulsion reçue en écho n'avait pas la belle allure attendue, ce qui rendait la mesure impraticable.
Nous avons réalisé un support laser réglable en direction et en inclinaison. Le miroir distant était également réglable en direction et en inclinaison. Le miroir proche était réalisé simplement à partir d'une feuille d'aluminium pliée à angle droit.

 


Les caractéristiques du matériel

 

     Une grande difficulté fut de recevoir l'écho sur le récepteur après la réflexion sur le miroir lointain. Le faisceau réfléchi subit une diffraction par le miroir et le retour ne se présente pas comme un beau spot illuminant la photodiode réceptrice. Il faut être deux pour faire l'expérience. Le premier règle le miroir, le second regarde l'oscilloscope et guide le réglage de l'orientation du miroir. Quand l'écho est reçu et qu'on voit une belle sinusoïde sur l'oscillo, le plus dur est fait. Reste à mesurer la longueur du tunnel au milieu des détritus et des toiles d'araignées.

Insistons sur un dernier point important. Nous avons envoyé directement sur une seconde trace de l'oscillo le signal du modulateur sinusoïdal (celui la même qui est envoyé sur le laser). Cette seconde trace nous fournissait une origine fixe pour mesurer le temps de chaque trajet aller-retour, à une constante additive près (le déphasage inconnu de l'électronique). Le temps cherché était simplement la différence entre les deux Dt.

LES RESULTATS

Nous avons répété quatre fois l'expérience avec deux fréquences de modulation différentes (400 kHz et 200 kHz). La valeur de cette fréquence n'a normalement pas d'influence sur le résultat. Nous avons mesuré la longueur du tunnel (distance jusqu'au miroir lointain). Nous avons trouvé L2 = 90.18 m. La distance jusqu'au miroir proche était de L1 = 0.25m (en pratique pour le "miroir proche", nous avons utilisé un dièdre et le trajet complet du laser au récepteur a été mesuré globalement 2 L1 = 0.50m). L'aller retour complet est donc :

2L = 2(L2-L1) = 179.86 m

Les déphasages par rapport à une origine arbitraire furent les suivants pour les quatre modulations (nous donnons les résultats, sans tricher, tels qu'ils furent obtenus) :

 

La valeur moyenne est donc :

 

c = 279 000 ± 22 000 km/s.

La précision n'est pas 'géniale' (environ 10%). Il serait possible de peaufiner la mesure du déphasage par des méthodes de superposition. On pourrait envisager aussi de cumuler les mesures sur un grand nombre de trajets aller-retour... bref, nous faisons confiance à votre imagination si l'expérience vous tente. Néanmoins, cette expérience nous a procuré une certaine émotion car nous avons pu percevoir la finitude de la vitesse de la lumière de manière très tangible ; une expérience à vivre pour un physicien !

Des enseignants se sont lancés avec leurs élèves dans cette aventure fantastique de la mesure de c, même si l'expérience n'a plus son sens historique, comme nous le disions en introduction. Les lycées : Chartier de Bayeux, Maurois de Deauville, Sainte-Marie de Caen, Allende de Hérouville Saint Clair et Victor Grignard de Cherbourg, ont réussi avec plus de succès que nous. Mais l'essentiel n'est-il pas de participer et de susciter à d'autres l'envie de faire mieux et plus simple !

 

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