Une étude de l'univers local

par Gilles Theureau, Astronome Adjoint à l'Observatoire de Paris et au Laboratoire de Physique et Chimie de l'Environnement à Orléans last modified 2010 Apr 15 15:06


Les grandes étapes d'un programme

 

La définition de l'Univers Local est quelque chose d'assez subjectif qui dépend des auteurs et des moyens observationnels disponibles à une époque donnée. On peut cependant affirmer qu'il s'agit à la fois d'un univers contemporain où les effets d'évolution dus au « look-back time » (regard vers le passé) ne se font pas sentir et d'un univers de galaxies en trois dimensions pour lesquelles nous possédons des observations complètes sur tout le ciel. Enfin, c'est un univers très hétérogène composé d'une grande variété de structures : galaxies, groupes, amas, superamas, grands vides, bulles et filaments...

 

 

         Etudier l'Univers Local implique donc de décrire à la fois le contenu et la structure de l'univers proche à partir d'un grand nombre d'observations complémentaires.

 

       Il s'agit d'une part, du point de vue de la physique des galaxies :

 

    • d'étudier la formation et l'évolution des populations stellaires (couleurs, class=SpellE>métallicités, âges, flambées d'étoiles...), le milieu interstellaire (gaz, poussières, matière noire) et les effets de l'extinction,

       

    • d'étudier la morphologie des galaxies, leur dynamique interne et leur masse en fonction de leur environnement (intérieur/extérieur aux amas)

       

    • d'étudier le milieu intergalactique et interamas,

       

    • d'étudier enfin la formation et l'évolution des galaxies et des grandes structures.

       

Il s'agit d'autre part, d'un point de vue cosmologique :

 

    • d'étudier les différents groupements ou associations gravitationnelles de galaxies, des paires jusqu'aux amas riches, et leur statistique,

       

    • d'étudier la dynamique des galaxies dans les amas et au voisinage des grandes structures,

       

    • de mesurer le taux d'expansion de l'Univers,

       

    • d'étudier le rapport masse noire/lumineuse aux différentes échelles et la distribution de la masse totale à partir des mouvements observés.

       

Les Observations

 

De quels types d'observations disposons-nous ?

 

Tout d'abord des grands relevés photométriques... Les premiers grands relevés photographiques exhaustifs ont été les surveys du mont Palomar (USA, 1950-55) de l'ESO et de Siding Spring (Australie, 1974-92) qui ont notamment couvert l'ensemble du ciel en bande B ( l ~ 440 nm) jusqu'à une brillance superficielle de 25 mag.arcsec -2. Les plaques de Schmidt (6,5°×6,5°) ont été depuis digitalisées (DSS : Digitalized Sky Survey) et ont permis d'extraire un catalogue de 2,7 millions de galaxies. Le sondage infrarouge du satellite IRAS (lancé en 1983) a permis de construire quant à lui une liste de 250 000 sources ponctuelles, dont un grand nombre de galaxies sur la base de cartes aux longueurs d'onde 12, 25, 60 et 100 mm. Même s'il est moins profond, ce catalogue est très homogène sur l'ensemble de la sphère céleste, en particulier jusqu'aux très basses latitudes galactiques, le rayonnement infrarouge étant très peu absorbé par le gaz ou les poussières du milieu interstellaire. Le flux infrarouge est par ailleurs un meilleur traceur de la masse totale d'une galaxie que le rayonnement optique et les effets de sélection sont moins importants. Ceci a permis une représentation de la distribution de la masse dans notre univers proche meilleure, par exemple, que celle obtenue avec les sondages photographiques ci-dessus.

 

 

         Plus récemment (1996-2002), les grands relevés numériques CCD DENIS et 2MASS en optique (800 nm) et infrarouge proche (1,2 ; 1,6 et 2,5 mm) ont permis d'extraire des catalogues de 500 000 à 1,5 millions de galaxies sur respec-tivement le ciel Sud et l'ensemble de la sphère céleste. Ces relevés, bien qu'ils soient moins profonds que les relevés photographiques, ont l'avantage d'être beaucoup plus homogènes, de permettre d'extraire des magnitudes plus précises et d'avoir une réponse linéaire du récepteur contrairement à l'émulsion argentique (ce qui permet réellement de travailler sur les profils photométriques et les couleur des objets).

 

 

        Les données de photométrie et d'imagerie permettent d'étudier la morphologie des galaxies, les effets d'environnement (champ/amas), la forme de la distribution de la luminosité (2D) à l'intérieur des galaxies, les variations de couleur et de métallicité qui reflètent l'histoire de leurs populations stellaires, et enfin la fonction de luminosité des galaxies elles-mêmes (en particulier dans les amas sachant que toutes ces galaxies sont situées à la même distance de nous).

 

 

        Les sondages spectroscopiques sont une autre grande famille de données. Ils apportent notamment la troisième dimension

 

 

        Rappelons que le redshift, ou décalage vers le rouge, d'une galaxie correspond au décalage Doppler-Fizeau du spectre de la galaxie par rapport à un spectre obtenu en laboratoire. Le décalage relatif de longueur d'onde que l'on mesure est proportionnel à la vitesse de l'observateur par rapport à la source lumineuse (le long de la ligne de visée). Il traduit donc une vitesse radiale d'éloignement ou de rapprochement. L'univers étant par ailleurs en expansion on observe essentiellement des décalages vers les grandes longueurs d'onde, donc « vers le rouge. Et cette expansion étant proportionnelle à la distance (du moins à l'échelle qui nous intéresse ici), on a finalement la relation :

 

z = v/c = Δλ/λ

 

IMAGE002.JPG

 

Dl est le décalage spectral observé, V est la vitesse radiale de la galaxie, et Ho est la constante de Hubble et représente le taux d'expansion de l'Univers.

 

        A travers cette loi de Hubble, la mesure du redshift nous donne bien une mesure approximative de la distance de la galaxie. On a donc accès à la distribution spatiale en trois dimensions des galaxies. C'est le CfA, un premier relevé systématique de 2400 galaxies sur environ 20% du ciel qui a révélé en 1985 l'existence des grandes structures, montrant qu'à cette échelle (pour des vitesses inférieures à 15 000 km/s ou des distances inférieures à ~ 200 Mpc) l'Univers est encore très hétérogène, constitué

 

 

 

25 000 mesures sur 1,7 % du ciel), Le 2dF (2 Degree Field, 250 000 galaxies sur 4,7% du ciel), le 6dF (6  Degree Field, 100 000 galaxies sur 50 % du ciel) et le SDSS ( Sloan Digital Redshift Survey, 1 million de galaxies sur 25 % du ciel).

 

 

        Au-delà de l'étude de la distribution spatiale des galaxies et l'étude de grandes structures, les catalogues de redshifts permettent l'étude de la fonction de corrélation spatiale des galaxies et du spectre de puissance, c'est à dire la façon dont s'organise et se hiérarchise la distribution de la matière lumineuse aux différentes échelles. Cela apporte en particulier des contraintes sur les modèles cosmologiques et la formation des structures. Les mesures spectrales permettent en outre une première mesure de la constante de Hubble à partir des diagrammes magnitude/ redshift, une meilleure discrimination entre les galaxies d'amas et les galaxies de champ, une étude de la cinématique interne des amas et des groupes, et donc de leur masse dynamique, et enfin une étude quantitative de la fonction de luminosité des galaxies.

 

 

IMAGE006.JPG

La dernière grande catégorie d'observations concerne les mesures de cinématique interne des galaxies qui nous permettent non seulement d'évaluer leur masse réelle mais aussi nous fournissent un indicateur de distance indépendant du redshift. Les deux « relations d'échelle principales utilisées sont les relations de Tully-Fisher pour les galaxies spirales et de Faber-Jackson ou du Plan Fondamental pour les galaxies elliptiques. Toutes deux sont des relations masse-luminosité qui lient la masse dynamique, mesurée à partir des mouvements internes, à la luminosité intrinsèque des objets. Dans le cas des galaxies spirales, on mesure la vitesse de rotation du gaz dans le disque à partir de mesures spectroscopiques optiques (principalement la raie d'émission [H a], mais aussi [Hb] ou [OIII] pour les plus petites longueurs d'onde ou les galaxies très décalées vers le rouge) ainsi que les mesures radio (la raie 21-cm de l'hydrogène neutre). On obtient alors soit une courbe de rotation, du centre au bord de la galaxie (optique ou interférométrie radio), soit directement la vitesse maximale de rotation à partir de l'élargissement de la raie observée (mesure radio avec une antenne unique). Dans le cas des galaxies elliptiques ou lenticulaires, on mesure l'élargissement de certaines raies d'absorption pour en déduire la dispersion de vitesse des étoiles au coeur des galaxies (dans un rayon de ~ 400 pc). Ces mesures sont très délicates car il faut pouvoir séparer l'élargissement provenant des mouvements des étoiles dans la galaxie, de l'élargissement provoqué par la rotation ou les turbulences dans les enveloppes des étoiles elles-mêmes. Les mesures de rotation maximale Vmax ou de dispersion de vitesses centrale sv sont directement liées à la masse totale des galaxies considérées et donc à leur luminosité totale si l'on suppose que les étoiles représentent une partie relativement constante de cette masse. On obtient ainsi les relations suivantes :

M = a log Vmax + b

 

M = a' log σv +b'

 

 

IMAGE008.JPG

 

log re = α log  σv  + ßme + γ

 

où M est la magnitude absolue de la galaxie (proportionnelle au logarithme de la luminosité totale), re et me sont respectivement le rayon effectif et la brillance effective, deux paramètres qui décrivent la forme de la distribution de la luminosité (ou de la distribution des étoiles) du centre jusqu'au bord de la galaxie. L'étude de ces relations et du rapport masse/luminosité en fonction de la morphologie, de la présence de barre ou d'anneau par exemple, ou encore de l'environnement, nous class=GramE>permettent de mieux comprendre la formation et l'évolution des galaxies, ainsi que leur contenu en matière noire. Couplées à des mesures photométriques de taille ou d'éclat apparent, elles permettent une mesure de la distance de ces galaxies : on mesure Vmax

m – M = 5 log d + 25

 

        Ces observations, qualifiées souvent de « mesures 4D, permettent donc d'acquérir des distances et ainsi :

 

    • de mesurer le taux d'expansion de l'Univers

       

    • de mesurer le champ des vitesses particulières des galaxies qui se superpose à l'expansion cosmologique et reflète les hétérogénéités de la distribution de la matière ( Vobs = Ho.d + Vpart)

       

    • de mesurer la distribution de densité de la masse totale aux différentes échelles

       

    • de mesurer le paramètre de densité de l'Univers W m (rapport de la densité de matière observée et de la densité critique qui sépare un univers ouvert, en perpétuelle expansion et dilution, d'un Univers fermé, dont la densité finira par l'emporter sur l'expansion et le contraindra un jour à se recontracter)

       

    • et enfin d'évaluer l'âge de l'Univers dans le cadre d'un modèle.

       

       

      Glossaire :

      • Survey :
        Ce mot anglais désigne une série d'observations couvrant systématiquement toute une région du ciel. En français on dit "un relevé".

         

      • Redshift
        Décalage vers les grandes longueurs d'onde du spectre lumineux. On le désigne souvent par la lettre z = l - l 0 / l 0
        Si on interprète ce décalage comme résultant d'une vitesse (effet Doppler-Fizeau) la relation entre la vitesse V et z est (c étant la vitesse de la lumière dans le vide):

         

        V = cz Cependant quand le décalage est grand et que l'on atteint des vitesses relativistes (non négligeables devant c) alors la relation plus générale est:

         

        V= c .[a2 -1]/[a2 +1]

         

        a= 1+z.

         

      • Métallicité
        Proportion relative d'un astre en atomes plus lourds que l'hélium. Si on note X la proportion relative en hydrogène, Y la proportion relative en hélium et Z la métallicité, on a la relation:

         

        X+Y+Z = 1.

        Pour une étoile, une forte métallicité est en général le signe d'un état évolutif avancé.

         

      • Unité : mag.arcsec −2
        Cette unité est utilisée pour exprimer, en magnitude, ce qu’on appelle la brillance (luminance en physique) d’une source étendue (flux par unité de surface apparente exprimée en arcsec C’est donc l’unité de la quantité :

         

        −2,5 log (flux/surface apparente).

         

        Les arcsec sont les secondes de degré.

         

      Les observations radio

      Le démarrage de ce programme correspond au début des années 70 avec l'avènement de la radioastronomie à antenne unique et l'exploitation du tout nouveau grand radiotélescope de Nançay. Lucienne et Lucette commencent à cette époque les premiers grands relevés extragalactiques à 21-cm en mesurant la raie d'émission de l'hydrogène neutre du milieu interstellaire dans les galaxies extérieures. La largeur de la raie dépend de la vitesse de rotation dans le disque ou de l'amplitude de la turbulence du gaz, son aire ou le flux HI correspond à la masse d'hydrogène qui a émis ce rayonnement, la position en longueur d'onde de la raie donne la vitesse globale de la galaxie par rapport à l'observateur, projetée sur la ligne de visée. Elles étudient alors la distribution et la quantité de gaz dans les galaxies en fonction de leur morphologie (spirales/elliptiques/irrégulières) ou de leur environnement (groupe, amas, isolées). Elles s'impliquent aussi dans la recherche de galaxies cachées derrière le plan de la Voie Lactée (le rayonnement radio, à la différence du rayonnement optique, n'est pas absorbé ni diffusé par le gaz ou les poussières du milieu interstellaire, et notre galaxie est donc « transparente aux ondes radio), ce qui permet réellement une reconstitution des grandes structures sur l'ensemble du ciel.

      IMAGE010.JPG

      Enfin, elles découvrent une relation entre la largeur de la raie 21-cm et la taille des galaxies, une loi empirique pouvant servir d'indicateur de distance. Cette relation deviendra en 1977 la relation de Tully-Fisher, du nom des deux astronomes anglais qui l'ont formalisée comme une relation linéaire entre le logarithme de la vitesse de rotation maximale dans le disque d'une galaxie spirale, mesurée à partir de la largeur de la raie 21-cm, et sa magnitude absolue, mesurée en optique. Cette relation est aujourd'hui un des indicateurs de distance les plus utilisés (voir plus haut, section « Les observations).

      La collecte de données radio à Nançay (en particulier le programme « KLUN, pour kinematics of the local universe) continue encore aujourd'hui après la dernière rénovation du grand radiotélescope (projet FORT), où près de la moitié du temps de télescope lui est consacrée. Plus de 4000 spectres HI de galaxies y ont été mesurés en 30 ans par cette seule équipe. La compilation de toutes les données mondiales (extraites de 611 publications !) a produit par ailleurs un catalogue 21-cm de 16600 galaxies (Paturel & co 2003, voir plus loin à propos des bases de données).

       

      L'estimation des distances

      Ces travaux sur la raie 21-cm de l'hydrogène et la rencontre avec le grand astronome franco-américain Gérard de Vaucouleurs ont été à l'origine d'une série d'études des indicateurs de distances extragalactiques et de la mesure de la constante de Hubble : en premier lieu bien sûr l'étude de la fameuse relation de Tully-Fisher, avec la publication d'une première grande compilation de 1207 galaxies en 1982, mais aussi l'utilisation de la Classe de Luminosité, de la relation Diamètre-Luminosité et du principe des galaxies sosies. Pour ces recherches, est apparue la nécessité de rassembler de grands catalogues homogènes contenant les caractéristiques globales des galaxies en termes de taille apparente, de magnitude, de type morphologique, de redshift ou toute autre mesure permettant une estimation de la distance. De Vaucouleurs était familier de ces grandes compilations et des techniques d'homogénéisation, mais c'est la construction de la base de données LEDA par Georges Paturel en 1983 avec l'essor de l'informatique, qui a donné à ces catalogues

       

      La base de données LEDA

       

      Le catalogue LEDA compte aujourd'hui 2,7 millions de galaxies avec pour chacune jusqu'à 70 paramètres astrophysiques disponibles et un mode d'interrogation « scientifique  à partir d'une sélection sur les valeurs de ces paramètres. Il contient la plupart des données publiées à ce jour sur les galaxies de l'univers local et donne accès à des cartes et des images sur l'ensemble du ciel. Les corrections d'extinction interstellaire et d'opacité interne des galaxies y sont intégrées de manière homogène. En effet, ces corrections dépendent fortement de l'inclinaison et de la morphologie de chaque galaxie, en particulier du contenu en gaz et en poussière.

       

       

      IMAGE012.JPG

      Encadré : Les projections de Flamsteed

       

      IMAGE016.GIF

       

      • Les projections sont utilisées pour représenter toute la surface d'une sphère sur un plan. On les utilise par exemple en cartographie pour représenter tous les continents sur une même figure plane. Une utilisation courante en astronomie est celle qui donne une cartographie du ciel. Il existe plusieurs types de projections. Les plus utilisées sont celles qui conservent les aires. Le nombre d'objets par unité de surface sera donc conservé, et les structures seront identiques à celles du ciel réel.
      • Nous donnons les équations de la projection de "Flamsteed".
      • Soient (X >,Y) les coordonnées sur la feuille de papier et (L,B) la longitude et la latitude des objets sur la sphère céleste. Notons que L et B sont prises dans un système de coordonnées quelconque : équatoriales, galactiques,   super-galactiques…

         

        L varie de 0 à 360° et B de - 90° à +90°. La transformation est la suivante : X = (L - Lo ). cosB   et Y=B, où Lo est une constante qui fixe la position de l'origine des longitudes sur le graphique.

         

      • Nous présentons deux projections de Flamsteed donnant la distribution des galaxies proches (distances inférieures à 100 millions d'années-lumière) et plus lointaines (entre 100 et 300 millions d'années-lumière). Dans la première figure (en bleu) on voit une structure horizontale découverte par G. de Vaucouleurs dans les années 1950 : le Super Amas Local, centré sur l'amas de galaxies Virgo. Sur la figure de droite (en vert) une autre structure apparaît sous la forme d'un arc gigantesque reliant plusieurs Superamas de galaxies.  
      • La projection générale montrant toutes les galaxies de LEDA est une projection de Hammer.

         

      Ce lourd travail de compilation et de regroupement des données a entraîné une réflexion à la fois sur les corrections à apporter aux observations collectées et sur la statistique des galaxies de l'univers local.

      Le biais de Malmquist et la constante de Hubble H0

       

      La rencontre au début des années 80 avec Pekka Teerikorpi, astronome finlandais de l'Observatoire de Turku, marquera un réel tournant et sera le début d'une longue collaboration et d'une grande amitié. Pekka alerte l'équipe de l'influence des effets de sélection d'un échantillon sur la mesure de la constante de Hubble par la relation de Tully-Fisher : cet effet statistique, plus connu chez les astronomes stellaires sous le nom de biais de Malmquist, du nom de son découvreur en 1920, conduit à une sous-estimation des distances et à une surévaluation de la constante de Hubble. Leur première grande publication commune en 1986 montrera que si l'on prend correctement en compte l'effet du biais, on trouve des valeurs de H0 entre 56 et 72 km/s/ Mpc et non proche de 100

       

      Les études et observations qui suivirent ont mené en 1997 à une valeur finale de la constante de Hubble de 55 ± 5 km/s/ Mpc, grâce à un catalogue dix fois plus important, à une analyse statistique plus robuste, et aux données complémentaires apportées par le Hubble Space Telescope et le satellite européen Hipparcos (distances de 40 galaxies proches par la méthode des étoiles céphéides, calibration géométrique de l'échelle des distances extragalactiques grâce à de nouvelles mesures de parallaxes). Parmi cette série de travaux, étalée sur plus de dix ans, on trouve en particulier une étude approfondie du champ des vitesses des galaxies au voisinage et au sein de l'amas de la Vierge, connu comme le centre de notre propre superamas et étant une importante source de perturbation pour la mesure de H0. Cela aboutira en outre à une mesure de notre propre chute en direction de l'amas, évaluée à environ 200 km/s.

       

       

      IMAGE018.JPG

      Les développements récents

      A partir de ce moment, considérant comme réglée la question du biais de Malmquist et de la constante de Hubble, le groupe se tourne vers divers aspects en amont et en aval de cette question: en amont, on trouvera la calibration primaire de l'échelle des distances, permettant à la fois des mesures absolues de distances, reliées aux parallaxes, et la réduction de l'incertitude résiduelle sur la constante de Hubble, on trouvera aussi la construction de nouveaux catalogues photométriques à partir des grands relevés photographiques et CCD, le problème de l'homogénéité des mesures de magnitude et la question de la classification morphologique des galaxies à partir des images digitalisées ; en aval il y aura l'étude des grandes structures de l'Univers Local, de la distribution de la matière noire et du champ des vitesses, à partir de distances corrigées du biais de Malmquist.
      La recherche d'une calibration absolue de l'échelle des distances en comparant directement les céphéides galactiques aux céphéides extragalactiques mesurées par le Télescope Spatial Hubble a permis de mieux comprendre la relation période-luminosité-couleur des céphéides et ses liens avec la métallicité et la morphologie des galaxies, de relier enfin l'échelle des distances extragalactiques à des « vraies distances géométriques et d'évaluer précisément l'incertitude sur la mesure de la constante de Hubble.

      L'exploitation automatique des grands relevés tels que les plaques digitalisées du Mont Palomar (DSS-MIGAL) et le sondage CCD en proche infrarouge DENIS a permis d'extraire et d'intégrer dans LEDA des catalogues de plusieurs centaines de milliers à quelques millions de galaxies de notre univers proche, pour lesquels on a pu mesurer de manière homogène les coordonnées, magnitudes, diamètres, inclinaisons et angles de position. Nous avons pu ainsi disposer d'un catalogue de référence et d'un index général de galaxies suffisamment profond et complet pour pouvoir y rapporter la plupart des mesures publiées dans la littérature, notamment les autres grands sondages tels que 2-MASS ou le SLOAN. La disponibilité des pixels des images elles-mêmes permet d'autre part des études de type morphologique, soit au sens classique (à l'oeil: développement des bras spiraux, bulbe, disque, ellipticité...), soit physique (ajustement de modèles de galaxies et profils de brillance), soit mathématique (degré de symétrie, décomposition de l'image sur une base orthogonale à n dimensions ...). Ces travaux sont en cours et sont l'occasion d'un atelier de prospective mené par Georges au sein du PNG (Programme National Galaxies du CNRS).

              Enfin, le dernier chapitre encore ouvert sur la problématique de l'Univers Local concerne l'étude du champ des vitesses particulières des galaxies et de la distribution de densité de la masse totale.

       

       

      Il s'agit là d'évaluer le contenu en masse noire de l'univers aux différentes échelles, des galaxies jusqu'aux plus grandes structures connues que sont les superamas, filaments et bulles qui s'étendent sur plusieurs dizaines de mégaparsecs, et de mesurer le paramètre de densité de matière de l'univers, Ωm, qui entre au même titre que H0 dans la définition des modèles cosmologiques. Après plusieurs études « locales du champ des vitesses au voisinage du Groupe Local (2002), du superamas Virgo (1992, 1999, 2000), du superamas de Persée-Poissons (1998, 2001) ou dans la zone du supposé Grand Attracteur (1994, 1998), qui ont permis notamment d'évaluer le rapport masse-lumineuse/ masse-noire à l'échelle de ces structures, nous avons travaillé au cours de l'année 2003 sur la reconstruction globale du champ des vitesses des galaxies et sa cartographie en trois dimensions. Ce travail a été possible en intégrant dans une même étude l'ensemble des données disponibles à ce jour : des mesures de magnitudes dans cinq bandes photométriques B, I, J, H et K et des mesures cinématiques de vitesses de rotation et de dispersion centrale de vitesses pour près de 20 000 galaxies, permettant une représentation détaillée jusqu'à une résolution d'un Mpc.

      Ces données sont uniques et l'exploitation complète des cartes reste encore à faire.

       

       

      Le futur

       

      Que reste-t-il à faire aujourd'hui dans ce domaine et quels sont les nouveaux développements à apporter ? On a vu que l'étude du champ de vitesses particulières des galaxies et de la distribution de la masse noire est encore un chantier ouvert, de même que la question de la morphologie des galaxies. Nous bénéficions en particulier de nouveaux flots de données dans l'Univers Local avec les images de DENIS et 2MASS et les redshifts du SDSS, 2dF ou 6dF...

       

       

       

      Retour.gif

Personal tools