Quelques sources de rayonnement X

par Michèle Gerbaldi last modified 2010 Apr 15 14:06

Ce texte est tiré d'un article de Michel Gerbaldi, Compte Rendu de l'Ecole d'Eté d'Astronomie du CLEA, Grasse, Septembre 1980

CENTAURUS X-3 (Cen X-3)

Le flux X rayonné par cette source présente des variations temporelles à la fois de courtes et de longues périodes.
Cette source fut découverte par le satellite UHURU dans le domaine 2 à 20 Kev.

L'intensité moyenne du rayonnement X présente une variation dont la période est de 2,09 jours. Cette courbe de lumière ressemble tout à fait à celles qu'on observe dans le domaine visible pour des systèmes d'étoiles binaires à éclipses.
La durée des maxima est d'environ 1,53 jours et celle des minima de 0,49.

 


Courbe de lumière moyenne de Cen X-3

Le signal présente également des fluctuations rapides qui se superposent aux variations décrites ci-dessus.

 


La modulation de ce flux n'est due qu'à un effet instrumental
Pulsation périodique du flux X

Pour interpréter la courbe de lumière ainsi observée, on a supposé que la source X faisait partie d'un système d'étoiles doubles : la source X décrivant une orbite circulaire autour d'un objet central qui l'occulterait périodiquement.
L'existence d'éclipses implique que le plan de l'orbite soit dans le plan de la lignée de visée ; le fait que l'orbite soit circulaire résulte de la forme de la courbe de lumière.

Lorsque cette hypothèse fut proposée en 1971, l'identification de l'objet central avec une étoile connue optiquement n'avait donné aucun résultat.

Ce n'est qu'en 1973, qu'une étoile bleue géante fut identifiée au voisinage de la source X. La luminosité de cette étoile présente également dans le domaine optique des variations. Des observations spectroscopiques montrèrent que cette étoile des premiers types spectraux, qui était difficilement détectable car située dans le plan de la Galaxie, là où la matière interstellaire absorbe le plus le rayonnement, avait une luminosité intrinsèque au moins 100 000 fois plus importante que celle du Soleil. Cette étoile est située à environ 25 000 années de lumière.

 

La période de transition étant petite, il s'en suit que le rayon de l'étoile source X est nécessairement petit puisqu'elle est occultée par l'étoile centrale en une durée relativement brève.
Les pulses du rayonnement X sont attribués à l'étoile compacte et a priori, sont dus soit à une pulsation de l'étoile, soit à une rotation sur elle-même.

Si on regarde la variation au cours du temps, de la date du maximum de chaque pulse, on s'aperçoit que celle-ci ne se répète pas toutes les 4,8 s mais subit une variation sinusoïdale de période égale à 2 jours. Cette période qui est justement égale à celle du mouvement orbital, résulte de l'effet Doppler. En effet, un pulse peut être considéré comme une émission à une fréquence donnée. Cette émission étant faite par un objet en mouvement périodique, l'observateur voit cette fréquence varier périodiquement. On peut alors en déduire la vitesse de l'objet sur son orbite par la relation Doppler :

 

Soit G la période des pulses : G 4,8 + A cos(2p/T)(t-t0) représente la variation sinusoïdale de la période d'un pulse autour de la valeur moyenne de 4,8 s.
A est l'amplitude de cette variation A = 0,007 s.
T est la période de cette variation et vaut 2,09 jours.

Ainsi on a :

 

D'où Vr # 415 km s-1

En réalité, Vr est la mesure de la vitesse de l'étoile sur son orbite, puisque A est le décalage maximum de la période du pulse qui se produit lorsque la direction du vecteur vitesse de l'étoile coïncide avec celle de la ligne de visée.

 

Par ailleurs, ce système étant un système binaire, on a :

 

Prenons i = 90° (en réalité 45° = i = 90° ; pour que l'éclipse puisse se produire il faut que le plan de l'orbite ne soit pas trop incliné vis-à-vis de la direction de l'observateur).

 

Où M1 et M2 représentent la masse de chacun des composants.

Or, l'étoile centrale étant une étoile des premiers types, on estime que sa masse doit être 16 à 20 fois la masse du Soleil ; ce qui donne pour le compagnon une masse de l'ordre de 0,6 à 1,1 Msolaire.
On peut par ailleurs déterminer à partir de la durée de l'éclipse le rayon de l'étoile centrale.

 

Ces résultats, masse et rayon, sont cohérents avec le fait que l'étoile centrale est une étoile géante ou supergéante des premiers types spectraux.

Mais quelle est l'origine du rayonnement X ?

Compte tenu des paramètres, masse et rayon, période du mouvement orbital, déterminés précédemment pour les 2 composants de ce système, on en déduit qu'il s'agit d'un système binaire serré.

 

L'étoile centrale génère un vent stellaire. L'étoile dense constitue un obstacle sur le trajet du vent stellaire : il y a création d'une onde de choc par suite du fort champ gravitationnel au voisinage de l'étoile dense. Une partie de la matière éjectée par ce vent, freinée au voisinage de l'onde de choc, est attirée par l'étoile dense. En arrivant à la surface de l'étoile compacte, l'énergie potentielle est transformée en énergie thermique ; ce gaz qui a alors une température de 107 K rayonne dans le domaine des X.

Pourquoi observe-t-on des pulses dans le rayonnement X ?

La période très courte de ces pulses (4,8 s) implique que la dimension de l'étoile qui les émet soit très petite.
Compte tenu de la masse estimée précédemment, c'est donc une "étoile à neutron" c'est à dire un objet très dense.
On estime alors que la pulsation du rayonnement X provient simplement de la rotation de l'étoile à neutron sur elle-même, qui est très rapide.

 

La matière accrétée tombe sur l'étoile à neutron le long des lignes de champ magnétique ouvertes et c'est là qu'est créé le rayonnement X. La rotation de l'étoile à neutron sur elle-même crée une modulation de ce rayonnement dont l'émission est très directionnelle.

Notons que ce rayonnement X qui pourrait faire penser à un rayonnement de type "pulsar" compte tenu de sa courte période n'en a pas par ailleurs les autres caractéristiques.

Ainsi Cen X-3 est un objet astronomique qui a permis d'observer une étoile à neutron directement et d'en déterminer sa masse.

La détection de tels systèmes binaires est très importante car ces systèmes représentent une étape cruciale dans l'évolution stellaire.

 

CYGNUS X-1

 

Cette source de rayonnement X présente des variabilités qui ont été détectées dès 1966. Ces variations ne sont pas périodiques : elles peuvent se produire toutes les 20 ou 30 s ou bien encore doubler d'intensité en 50 millisecondes.
En 1971 on détecta une émission radio variable au voisinage de cette source.

En 1972, des observations optiques permirent de localiser au voisinage de cette source X une étoile supergéante.

L'identification de la source X avec cette étoile supergéante et avec cette source radio fut difficile à cause de la mauvaise résolution des "télescopes X". Cette identification fut facilitée par le fait qu'en comparant l'émission X de la source et l'émission radio sur une durée de 1 an, on s'aperçut que des variations importantes d'intensité dans chacun de ces domaines spectraux se produisaient au même moment. Il y a donc de fortes chances pour que ces rayonnements, soient produits par le même objet.
Par ailleurs, l'ensemble des observations du rayonnement X collectées sur une longue durée, révèle l'existence d'une variation périodique de 5,6 jours.

Or l'étoile supergéante est une étoile "spectroscopique à simples raies" dont la vitesse radiale présente une variation périodique de 5,6 jours également, ce qui signifie qu'elle forme avec une seconde étoile, non détectée optiquement, un système d'étoiles double en mouvement orbital autour de leur centre de gravité et dont la période de révolution est de 5,6 jours. La source X appartient à ce système et est très probablement ce compagnon invisible de l'étoile supergéante.

Quels paramètres physiques pouvons-nous déduire de l'étude de ce système double ?

La courbe de variation de la vitesse radiale de l'étoile supergéante nous donne la valeur de la vitesse orbitale projetée sur la ligne de visée, mais nous ne connaissons pas du tout l'inclinaison i du plan de l'orbite par rapport à la ligne de visée.
On a donc : v sin i = 60 km s-1

Les lois de la mécanique appliquées à l'étude de systèmes d'étoiles doubles nous permettent de calculer la valeur du rapport :

 

où M1 et M2 sont la masse de chacun des composants.

On peut, d'après son spectre, estimer que l'étoile supergéante a une masse supérieure à 15 fois la masse du Soleil, ce qui implique que la source X a une masse au moins égale à 4 fois la masse solaire.

Par ailleurs, les fluctuations très rapides observées dans le domaine X impliquent que cet objet soit très compact : une émission X de durée 50 millisecondes qui s'est propagée à la vitesse de la lumière implique une dimension linéaire maximum du milieu de propagation égale à :

 

3.1010 x 50.10-3 = 15.108 cm

Les travaux théoriques ont montré qu'une naine blanche ou une étoile à neutron ne pouvaient pas avoir des masses supérieures à 3 fois celle du Soleil. C'est donc que nous avons ici un objet encore plus compact : un "trou noir" ?

Un "trou noir" est un objet si compact, si dense que le gradient de pression du gaz de Fermi de neutrons ne permet pas d'équilibrer les forces gravitationnelles. L'objet se contracte donc indéfiniment sur lui-même.
A son voisinage, le champ gravitationnel a une intensité considérable, à cause du faible rayon et de la masse importante ; aussi aucun photon ne peut s'en échapper. Ainsi il est impossible d'observer directement un trou noir.

Mais pourquoi détectons-nous un rayonnement X ?

On estime que ce rayonnement se forme dans les mêmes circonstances que pour Cen X-3 ; une partie du vent stellaire éjecté par l'étoile supergéante centrale est accrétée par le trou noir, d'où échauffement de cette matière lors de sa chute rapide et émission X.

Mais ce scénario est-il le bon ?

Il repose uniquement sur la détermination de la masse de la source X faite à partir de l'estimation de nombreux paramètres.
La seule vérification possible est de prévoir théoriquement quelles observations pourraient être la signature d'un trou noir et de les tester.

Ou bien, c'est la première fois qu'on observe un trou noir ou bien on s'est trompé dans l'estimation de paramètres et on a affaire à un système d'étoiles doubles beaucoup plus banal.

 

AUTRES OBSERVATIONS

On a découvert des sources de rayonnement extrêmement variées, que ce soit des sources ponctuelles ou bien étendues situées dans notre Galaxie ou bien ailleurs, et parfois inconnues dans les autres domaines spectraux.
Ces observations nous ont permis de détecter dans l'Univers l'existence d'évènements très violents où l'énergie libérée au cours d'une brusque émission de rayonnement X peut atteindre 1033 Joules et ceci en quelques secondes alors qu'il faut un an pour que le Soleil émette autant d'énergie.

L'Astronomie des rayons X a aussi mis en évidence l'existence d'un rayonnement X diffus dans tout l'Univers et en particulier, dans le centre des amas de galaxies. Il est possible ainsi d'obtenir une cartographie des amas de galaxies.

 

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