L'expansion de l'univers
Le spectacle des galaxies nous a montré comment l'utilisation des lois de la physique, permettait de connaître des grandeurs inaccessibles à l'expérience. Un exemple était donné par l'estimation du nombre approximatif d'étoiles contenues dans une galaxie : 100 à 300 milliards d'étoiles... Si nous voulions les dénombrer, il nous faudrait compter, sans relâche, pendant trente siècles.
Le but était justement de montrer comment on pouvait obtenir des résultats encore plus époustouflants : calculer l'âge de l'univers et déterminer l'époque à laquelle celui-ci est devenu observable.
Einstein a publié sa théorie de la relativité générale où il suppose qu'un champ de gravitation est équivalent à un champ d'accélération [1]. De plus, il impose qu'aucun observateur n'a de position privilégiée, tout point de l'univers est équivalent aux autres. Enfin, il suppose que la matière est distribuée uniformément. Notons à quel point cette dernière hypothèse était audacieuse pour l'époque. En effet, en 1915, aucune observation ne militait pour une distribution uniforme de la matière. Les galaxies n'étaient pas encore reconnues comme des objets extérieurs à notre Galaxie et la distribution des étoiles dans notre Galaxie n'était visiblement pas homogène, la Voie Lactée semblait nous le prouver.
W. de Sitter trouva une solution aux équations de la relativité générale, mais dans cette solution l'univers n'était pas statique. Einstein jugea cette solution non physique et pour maintenir ses hypothèses d'homogénéité et de stationnarité il modifia ses équations en introduisant la " constante cosmologique ". On peut penser que cette façon de procéder est arbitraire mais il faut savoir que l'addition de cette constante donne simplement une solution plus générale, exactement comme une constante d'intégration dans le calcul d'une primitive. Tout au plus peut-on dire que cette constante a été introduite pour une mauvaise raison (forcer l'univers à être statique). Nous reviendrons sur cette constante car elle a fait une nouvelle entrée remarquée sur la scène de la cosmologie.
Vous voyez déjà comment avance la science. Elle progresse en zigzags : il y a des erreurs, des corrections, des hypothèses hardies, des a priori, mais la trajectoire s'affine progressivement. Finalement, c'est l'expérience qui a le dernier mot. C'est ce qui va se produire pour le sujet qui nous occupe. L'astronome E. Hubble démontra en 1922 la nature " extragalactique " des galaxies. Mais il alla plus loin. Il observa que plus une galaxie était lointaine, plus son spectre montrait des raies spectrales décalées vers les grandes longueurs d'ondes, exactement comme si les galaxies étaient animées d'une vitesse de fuite, les éloignant de nous, d'autant plus rapidement qu'elles sont plus lointaines. C'est la fameuse loi de Hubble : V = H.D, où D est la distance de la galaxie, V sa " vitesse " cosmologique et H la constante de Hubble. A ce point je veux faire une remarque que je trouve importante : ce que les astronomes mesurent, ce n'est pas une vitesse, mais un décalage spectral. Bien sûr, le phénomène physique le plus simple qui explique un tel décalage est l'existence d'une vitesse entre la source et l'observateur. Mais cette vitesse n'est pas une vitesse au sens habituel du terme, même si elle en a toutes les caractéristiques. Nous appelons cette vitesse une " vitesse cosmologique " par opposition à la vitesse " propre ", habituelle.
Faisons une nouvelle remarque sur l'évolution des idées. Connaissez-vous K. Lundmark ?
Probablement non, et pourtant cet astronome suédois avait trouvé l'expansion des galaxies avant Hubble. Sans doute l'idée était-elle dans l'air à cette époque là, mais l'histoire ne retiendra que le nom de Hubble, qui eut l'audace de proposer une loi simple pour décrire cette expansion, malgré la mauvaise qualité des mesures disponibles. Il n'est pas rare en science de voir une idée germer indépendamment en plusieurs endroits.
[1] Comme me la fait remarquer un collègue Y. Baryshev, cette hypothèse n'est vraie que pour les masses non chargées.