Une vie en dehors de la Terre ?
Combien de civilisations dans notre Galaxie ?
L'astrophysicien Drake tenta de répondre à cette question, en posant une équation devenue célèbre et qui porte son nom:
Les différents facteurs qui apparaissent sont :
- NT : nombre de civilisations capables de communiquer ;
- R* : taux de formation des " bonnes " étoiles (type ~ solaire) ;
- fp : fraction des étoiles ayant un système planétaire ;
- ne : nombre de planètes de type terrestre par système planétaire ;
- fl : fraction de ces planètes sur lesquelles la vie apparaît ;
- fi : fraction sur lesquelles l'intelligence se développe ;
- ft : fraction des êtres intelligents développant une technologie ;
- tl : durée de vie d'une civilisation capable de communiquer.
Le problème est que l'on n'a aucune estimation fiable de la plupart de ces paramètres, puisqu'on ne connaît qu'une seule planète tellurique habitée, et une seule civilisation, la nôtre (et encore, on ne connaît pas sa durée de vie ). Seuls le taux de formation d'étoiles de type solaire (de l'ordre de 1 à 10 par an dans notre Galaxie), et, maintenant, la fraction d'étoiles ayant un système planétaire (au moins 5%) est à peu près connu grâce aux observations astronomiques. Pour les autres paramètres, libre à chacun de se montrer optimiste ou pessimiste ... Drake était parvenu à environ 15 millions de civilisations intelligentes communicantes, ce qui justifie de les rechercher ! Mais les plus pessimistes parviennent à un nombre inférieur à 1 ...
Premier problème : savoir définir la vie
Avant de se lancer dans la recherche de vie extraterrestre, encore faut-il savoir ce que l'on cherche Et ce n'est pas aussi simple qu'il y paraît ! Il faut établir une définition suffisamment large pour inclure toute forme de vie terrestre (y compris les plus primitives) et extraterrestres (même très différentes des différentes vies terrestres), tout en restant suffisamment précise pour exclure des formes de " vie " artificielles comme les ordinateurs. Ce problème est loin de se limiter à une simple question de sémantique, mais peut conditionner notre capacité à interpréter une information, telle que la découverte de structures particulières sur la météorite martienne ALH 84001 (micro-organisme fossile, ou simple phénomène chimique ou minéralogique ?).
Pour A. Brack, l'un des pères de l'exobiologie en France, " la vie est un système chimique, capable de se reproduire par autocatalyse et de faire des erreurs, qui augmente progressivement l'efficacité de l'autocatalyse ". On voit donc émerger la notion, floue, de complexité chimique sous-jacente à la notion de vie. Cette complexité va donner des pistes pour la recherche de vie extraterrestre.
Retour sur Terre...
Essayons tout d'abord de voir comment la vie est apparue sur Terre. Selon le scénario standard, des petites molécules réactives (H2O, HCN), d'origine interstellaire et/ou cométaire, ont réagi sur terre, pour former des bio- monomères (acides aminés, nucléotides), puis des bio- polymères (protéines, ARN), qui ont conduit à l'apparition des premiers systèmes autoreproducteurs, puis des premières cellules.
Ce principe d'émergence de structures biologiques à partir de processus purement chimiques dans une " soupe primordiale " doit son succès à la célèbre expérience de Miller et Urey, qui, en 1953, ont observé la formation d'acides aminés via la conversion d'énergie électrique en énergie biochimique dans une atmosphère primitive constituée de méthane, d 'ammoniac, de vapeur d'eau et d'hydrogène. Depuis, on a réalisé que le carbone atmosphérique était plus probablement sous forme de dioxyde de carbone que de méthane. Une telle atmosphère, non réductrice, induirait un taux de production d'acides aminés très faible. De tels processus chimiques auraient par contre pu avoir lieu au voisinage des sources hydrothermales, plus riches en méthane.
À moins que ces acides aminés soient d'origine extraterrestre Les comètes et certaines météorites (les chondrites) sont en effet riches en molécules organiques, comme l'a montré en particulier l'analyse de la météorite de Murchinson.
Dans tous les cas, deux principes de bases apparaissent. Tout d'abord, la complexité chimique est basée sur le carbone. Cet élément est en effet idéal, puisqu'il est très réactif et très abondant dans l'Univers. Des alternatives ont été envisagées, telle qu'une chimie basée sur le silicium. Toutefois, cet élément ne semble pas en mesure de s'assembler en macromolécules, étant donné la " rigidité " de ses liaisons chimiques.
Ensuite, il faut un solvant pour assurer le transport et la survie des molécules. L'eau apparaît comme le solvant idéal, étant donné ses propriétés électriques.
Ceci conduit à la définition d'une zone habitable, c'est-à-dire la zone autour d'une étoile dans laquelle la température est compatible avec la présence d'eau liquide. Une planète aura en effet une température d'autant plus basse qu'elle sera éloignée de l'étoile. Une modélisation relativement simple, mais incluant des effets importants comme l'effet de serre, donne ainsi, pour une étoile de type solaire, une zone habitable allant de 0,6 à 1,1 u.a. Si on tient compte par ailleurs de l'évolution du Soleil, et en particulier de la croissance de sa luminosité, la zone habitable continue, compatible avec les échelles de temps des processus biologiques, se restreint à 0,95 à 1.01 u.a.
Ces considérations semblent suggérer que l'apparition de la vie ailleurs que sur Terre est très improbable. Cependant, on trouve sur Terre des organismes, dits extrêmophiles, qui se sont adaptés à des conditions extrêmes en termes de température, pression, acidité. Tout reste donc envisageable !
Dans le Système Solaire ?
Si on retient le principe d'un solvant comme ingrédient nécessaire à une activité pré-biotique, trois sites dans le Système Solaire en dehors de la Terre sont à considérer.
Les nombreuses missions d'exploration de Mars ont montré de nombreuses traces de ruissellement à sa surface, attestant qu'un liquide non visqueux y a existé dans le passé. Étant donné la composition des calottes polaires et celle, supposée, du sous-sol martien, l'eau est le plus probable. Cependant, du fait du comportement chaotique de son axe de rotation, le climat martien est extrêmement instable, rendant les conditions particulièrement hostiles. Dans tous les cas, les températures très basses actuelles et la très faible pression atmosphérique semblent incompatibles avec la survie d'une quelconque forme de vie primitive passée.
Le deuxième site intéressant est Europe, l'un des satellites de Jupiter. Europe est entièrement recouvert de glaces, mais ces glaces sont parcourues par de nombreuses failles, qui laissent supposer l'existence dans un océan d'eau liquide sous cette croûte. L'énergie nécessaire au maintien de cette eau liquide pourrait provenir des effets des marées joviennes. Des missions d'exploration de ce satellite sont actuellement envisagées.
Enfin, Titan, le plus gros satellite de Saturne, est particulièrement intéressant, puisque c'est le seul satellite d'une planète géante à avoir une atmosphère. Cette atmosphère est riche en azote, mais aussi en hydrocarbures, en particulier en méthane. Cette molécule étant relativement fragile, un réservoir de méthane liquide est probable. Les premiers résultats de la mission Cassini - Huygens laissent penser qu'il n'y a pas d'océans de méthane liquide, mais éventuellement des rivières et des lacs. À suivre...
Hors du Système Solaire ?
Actuellement, aucun site habitable n'a été identifié en dehors du Système Solaire, puisque les techniques actuelles ne permettent pas de détecter d'éventuelles planètes telluriques. La question de la détectabilité d'une activité biologique a cependant déjà été étudiée.
Sur Terre, l'oxygène moléculaire (O2) est entièrement produit par la biosphère, par photosynthèse. Avec les postulats de base énoncés ci-dessus (chimie du carbone + eau liquide), la production d'oxygène moléculaire est une conséquence naturelle d'une activité biologique. Sa détection serait donc un indice très intéressant ! On recherchera plutôt l'ozone (O3), produit à partir de O2, et qui est observable dans l'infrarouge. C'est le principe à la base de plusieurs missions futures, comme le satellite DARWIN, de l'Agence Spatiale Européenne, qui devrait être lancé autour de 2015.
Il faut cependant être prudent. Une non-détection ne signifierait pas nécessairement l'absence de vie. Sur Terre, l'oxygénation de l'atmosphère a débuté il y a environ 2 milliard d'années, alors que la vie sous-marine a commencé 1,5 milliard d'années plus tôt. Par ailleurs, l'oxygène moléculaire peut être produit de façon purement abiotique, par photolyse de l'eau. Une bio-signature fiable serait donc la détection simultanée de l'ozone, la vapeur d'eau et le dioxyde de carbone.
Mais où sont-ils ???
Enrico Fermi a énoncé ce fameux paradoxe. Étant donné la vitesse de développement technologique sur Terre, il semble probable que les humains seront en mesure de coloniser la Galaxie d'ici quelques millions d'années. Comparé aux échelles de temps cosmiques, ce délai est extrêmement court, et laisse donc supposer que des vies extraterrestres sont déjà parvenues à ce stade. On peut donc se demander pourquoi nous n'avons toujours pas été contactés. Deux explications (sérieuses) sont possibles. Soit l'apparition (ou le développement) de la vie est difficile et donc improbable, soit toute civilisation s'autodétruit inexorablement avant de pouvoir conquérir la Galaxie.
Cette vision est bien sur très anthropomorphique, et probablement largement conditionnée par les remords de Fermi qui avait contribué à la mise au point de l'arme atomique. Au moins nous rappelle-t-elle notre fragilité...