La recombinaison

par clea last modified 2010 Apr 15 14:06


L'univers se dilate. On suppose que, comme pour un gaz qui se détend, la température moyenne de l'univers va en diminuant. Plus on regarde loin dans les profondeurs de l'espace, plus la température moyenne du milieu ambiant visé est grande. A la limite, la région visée est si chaude, que les atomes se cassent pour donner un mélange de particules, protons et électrons libres. Mais qui dit électrons libres dit absorption des ondes électromagnétiques, donc de la lumière. Par exemple, une plaque métallique sur laquelle les électrons de conduction circulent librement, absorbe les ondes. C'est cette propriété qui explique la cage de Faraday ou la réflexion de la lumière par un miroir métallique (voir les CC87). Mais alors, cela signifie qu'on ne voit plus rien au-delà de cette distance où il fait si chaud que les atomes se décomposent. Hélas, oui, c'est le mur de la recombinaison que nous ne pourrons franchir, dans l'état de nos connaissances, qu'avec les neutrinos ou les ondes gravitationnelles.

Les astronomes ont l'habitude de prendre le problème dans l'autre sens. Ils partent de l'univers de jadis, très chaud, et ils imaginent ce qui se passe lors du refroidissement dû à l'expansion. Ils savent que les éléments chimiques se forment dans les étoiles à partir de l'hydrogène. Ils en déduisent qu'à l'origine il devait y avoir exclusivement, ou presque, de l'hydrogène, c'est à dire des protons et des électrons mais dans une chaleur telle qu'ils ne pouvaient pas se combiner. Nous pourrions envisager de remonter encore plus avant dans le temps en parlant de la soupe primitive de quarks qui va donner les protons et les électrons. Mais nous ne goûterons pas à cette soupe pour le moment. Nous imaginons donc les protons et les électrons virevoltant les uns à côté des autres à grande vitesse. Puis, la température diminuant, les vitesses vont se réduire, et, à un moment précis, un proton pourra retenir un électron. Il y aura " combinaison ". Je ne comprends pas pourquoi on appelle ce phénomène la RE-combinaison car les particules primordiales se combinent pour la première fois, de mémoire d'homme. Mais c'est ainsi, et nous ferons comme tout le monde.

Ce phénomène de la recombinaison entre un électron (é) et un proton (p) s'étudie avec les lois de la physique-chimie. Le proton et l'électron se combinent pour donner un atome d'hydrogène et de l'énergie sous forme de photon (hn). L'équilibre p + é H + hn, est régi par la loi de Saha. Arrêtons-nous un instant sur cette loi. La physique statistique nous dit que la concentration [x] d'une particule x est une fonction qui dépend de la température T, du potentiel chimique, de la masse de la dite particule et de quelques constantes fondamentales.
Le rapport des concentrations [H]/[p].[é] s'écrit donc comme une fonction de la température et de la densité totale. C'est normal, les protons et les électrons se combinent plus ou moins facilement selon leur densité et leur vitesse (température). Par ailleurs, les potentiels chimiques interviennent dans le calcul sous la forme de l'énergie libérée lors de la combinaison proton-électron. Cette valeur est connue : hn = 13,6 eV. Si on calcule maintenant la concentration en électrons (relativement à celle des protons), on trouve qu'elle passe très brutalement de la valeur " un " à la valeur " zéro ". En d'autres termes on passe très vite d'un univers totalement ionisé (un électron pour un proton) à un univers où tous les électrons sont combinés. La transition est si brusque qu'elle se produit dans une étroite plage de température, typiquement à 3 600 degrés K. C'est à cette température que l'univers est devenu transparent.
A ce moment là, l'univers est partout baigné du rayonnement à 3 600 Kelvin. Quand cela s'est-il produit ? C'est ce que nous allons voir.

 

Vers les années 1970, deux ingénieurs de la Bell-Company, Penzias et Wilson, cherchaient à produire un récepteur radio aussi parfait que possible. Malgré leurs efforts ils ne parvinrent pas à supprimer un bruit de fond parasite. Ils réalisèrent bientôt que ce bruit était un signal venu de l'univers. En 1978, ils reçurent le prix Nobel de physique pour cette découverte. La mesure de la longueur d'onde au maximum permit de dire que ce signal correspondait à celui qu'émettrait un corps " chauffé " à une température de 3 Kelvin. La thermodynamique nous apprend en effet qu'un corps à la température T émet principalement à la longueur d'onde l telle que le produit l.T a une valeur constante connue. Si on suppose que ce rayonnement provient de très loin, il a du subir le décalage spectral. La longueur d'onde devait être beaucoup plus courte dans le passé et donc la température beaucoup plus grande. En identifiant ce rayonnement à celui produit lors de la recombinaison protons-électrons, on en déduit que le rapport des longueurs d'ondes est dans le rapport des températures, c'est à dire de 3 600/3. Le décalage spectral qui résulte est 1 + Dl/l=3 600/3. D'après la relation établie plus haut (relation 3), on calcule ainsi que la recombinaison s'est produite au temps,

 

Soit environ 270 000 ans, en adoptant H = 60 km.s-1Mpc-1, et en gardant le modèle Einstein-deSitter.

 

Conclusion

L'histoire de la physique ne se conclura sans doute jamais. Notre conclusion n'est donc que provisoire. Mais le résultat que l'on vient de trouver est quand même époustouflant. Imaginez une corde de 11 mètres de longueur qui matérialiserait les 11 milliards d'années de notre univers. L'Homo habilis ne serait apparu que deux millimètres avant l'une des extrémités de la corde et par son intelligence des lois de la nature il pourrait analyser des phénomènes qui se seraient produits à l'autre extrémité, à seulement 0.3 millimètres du début de la corde. Rien n'est jamais terminé. Plusieurs expériences récentes tendent à confirmer que l'univers est plat (notre sphère aurait un rayon infini et plutôt que de parler de rayon R(t) on préfère alors parler de paramètre d'échelle). Mais l'autre hypothèse du modèle EdS n'est pas confirmée. La constante cosmologique n'est pas nulle. L'univers serait bien en expansion mais une expansion accélérée.

Tous ces merveilleux résultats nous pousserait facilement à nous auto-proclamer les rois de l'univers comme étant les êtres les plus aboutis, les rois des contrées inaccessibles, les rois des connaissances ultimes ... Ne serions nous pas en train de répéter l'erreur si souvent commise en nous pensant au centre du monde. Ce n'est plus de l'anthropocentrisme géométrique mais de l'anthropocentrisme culturel. Si on essaye de prendre du recul sur nous même en regardant l'évolution de la matière depuis l'énergie primordiale et les quarks, on est frappé par les changements de phases successifs, chaque phase ayant des propriétés nouvelles que n'avaient pas les phases précédentes. Les atomes se sont formés, d'abord simples, puis de plus en plus lourds et complexes au fur et à mesure de l'évolution stellaire. Dans les régions les plus froides les molécules, combinaisons des atomes précédents, se sont formées à leur tour, d'abord simples et de plus en plus complexes, jusqu'à donner les premières briques dont la matière vivante est constituée. Ne serions nous pas simplement une étape de cette évolution grandiose ? Vous voyez qu'on passe vite à des idées subjectives hors du cadre rigoureux des sciences. Mais n'est-ce pas ainsi que la cosmologie a commencé ?

 

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