Quelques suggestions pour mesurer la Terre

par Francis Berthomieu last modified 2017 Jan 16 17:08



Dans les programmes de sciences physiques la mesure de notre planète est devenue incontournable.
Désormais, tous les ans, les élèves de seconde doivent renouveler l'exploit d'Eratosthène : en principe, il suffit de rassembler un simple bâton, un jour de Soleil, et deux lieux d'observation, suffisamment éloignés l'un de l'autre... Le principe est simple et bien connu de tous.
C'est, comme toujours, lors de la mise en oeuvre concrète que les problèmes pratiques surgissent et empêchent beaucoup de groupes d'arriver à leurs fins…:

" Comment effectuer des mesures suffisamment précises de la hauteur du Soleil ? "

    • Il est délicat de planter le gnomon bien verticalement :
    • Le Soleil étant une source étendue (diamètre apparent d'un demi degré environ), l'ombre portée de l'extrémité du gnomon est bien floue, avec zones d'ombre et de pénombre !

" Comment trouver la deuxième équipe, dont l'établissement doit se trouver (approximativement) sur le même méridien ? "

" Comment effectuer les mesures à l'instant du passage au méridien ? Cela ne se produit-il pas généralement à l'heure... où tout le monde est à la cantine ? "

Voici quelques propositions qui tentent d'apporter des solutions concrètes à ces divers soucis pédagogiques.

Le dispositif...

Le CLEA propose depuis plusieurs années déjà sur son site web un protocole expérimental qui résout le premier problème, (et en partie le deuxième en servant de relai pour la mise en contact des établissements candidats) !
Le schéma ci-dessous en rappelle les éléments.

ERAT0.JPG

Une grande feuille de papier est posée sur un sol bien horizontal. Une longue tige, fixée solidement à un socle lourd, maintient une plaque de carton rigide percée en son centre d'un petit trou (qui peut être éventuellement un carré de 5 mm de côté : la formation d'un image ronde du Soleil sur le papier n'en sera que plus intéressante à interpréter... Belle situation problème, peut-être déjà résolue en collège ! ). On règle avec précision la hauteur du centre du trou au dessus du sol : on peut par exemple choisir une hauteur de 1,00 m.
Par ce petit trou, on fait passer un fil à plomb, qui indique sur le papier un point (noté P) situé à l'exacte verticale du trou.
Le tout est placé judicieusement pour que le Soleil l'éclaire pendant la plus grande partie de la journée (entre 10h et 16h pour fixer les idées...).

Le méridien du lieu

Une première opération fondamentale doit être menée à bien en priorité : tracer le "méridien" du lieu. Il s'agit de la droite, passant par le point P, qui matérialise sur le sol la direction Nord - Sud.
Ce tracé peut être effectué n'importe quel jour ! Le jour de l'équinoxe, la tache lumineuse image du Soleil décrira une droite parfaite : ce peut être une occasion à ne pas manquer... mais il ne fait pas toujours soleil le jour de l'équinoxe !
Il suffit alors que toutes les heures (les récréations peuvent fort bien fournir l'occasion de ces quelques mesures) ou si possible toutes les demi-heures, un petit groupe d'élève soit chargé de relever sur le papier la position du centre de la tache lumineuse image du Soleil, en notant à côté l'heure exacte (à la minute près).

Un schéma valant toujours mieux qu'un long discours, voici celui qui donne la méthode de tracé de la ligne méridienne : les croix matérialisent les positions successives du centre de la tache lumineuse. Un cercle de centre P et de rayon suffisant a été tracé pour couper cette ligne en deux points A et B : le méridien est la bissectrice de l'angle APB !

 

A la recherche d'un "grand cercle"...

La résolution des deux problèmes qui restent va surgir d'une constatation simple : nous partons de l'hypothèse que la Terre est une sphère et que l'on peut y trouver ce que l'on appelle des "grands cercles" dont le rayon est égal à celui de la sphère. Or, sur une sphère, s'il n'y a qu'un seul "cercle équatorial" et une bonne infinité de "cercles méridiens"... il existe aussi d'autres "grands cercles". En particulier, si nous prenons deux villes quelconques M et N, situées à quelques centaines de kilomètres l'une de l'autre, il existe toujours un grand cercle, dont le centre est confondu avec celui de la sphère terrestre, qui passe par ces deux villes.

Sur une carte géographique, la trace de ce "grand cercle" sera (en première approximation et si la carte se limite a une zone restreinte contenant les deux villes) confondue avec la droite qui relie ces deux villes : cette droite fait un certain angle a avec les méridiens, mesurable aisément avec un rapporteur sur la carte... Il sera intéressant de voir (et d'expliquer) que cet angle est légèrement différent pour les deux villes et que l'écart mesuré est d'autant plus grand que les deux villes sont plus décalées (en longitude et en latitude ! ) Le schéma suivant permet de visualiser cet écart : on y voit que les méridiens se resserrent en allant vers le Nord et que aN est plus grand que aM

Mesures et calculs...

Nous, qui travaillons dans la ville M, nous pouvons reporter cette droite sur la feuille de papier qui a recueilli nos observations préalables, en la faisant passer par le point P, et en veillant à ce qu'elle fasse bien un angle a avec notre méridien : ce sera aM pour la ville M. Nos collaborateurs de la ville N feront de même en se servant de l'angle aN .
Nous n'aurons plus alors qu'à attendre un jour commun de Soleil dans nos deux villes pour relever position S et heure précise du passage de l'image du Soleil sur la droite.
Il sera aisé à chacun de mesurer la distance qui sépare les points P et S à cet instant.

Un coup de téléphone ou une liaison Internet entre les deux villes devrait permettre de découvrir :

    • Que l'image du Soleil est passée sur la droite à la même heure dans les deux observatoires.
    • Que la hauteur du Soleil n'y était pas la même .
    • Qu'il est possible, en connaissant la distance des deux villes (la carte géographique nous la donnera), de calculer le rayon de la Terre !

Le calcul classique, utilisant les résultats des deux équipes, permettra de déduire les hauteurs h et h' du Soleil à cet instant là dans chacune des deux villes.

Résultats

Voici les résultats obtenus entre les villes de Draguignan et Vichy le 27 septembre 2001...

Mesure de l'angle a (sur la carte géographique) : à Draguignan a = 38° ; à Vichy a = 40°
Distance entre Draguignan et Vichy : D = 360 km
Heure commune des observations : 11 h 28 min (temps légal).
Longueur PS à Draguignan : 1,30 m.
Longueur PS à Vichy : 1,46 m.
(Les "gnomons" mesuraient 1,00 m)

Hauteur du Soleil calculée pour Draguignan : h = 37,6° 0,1°
Hauteur du Soleil calculée pour Vichy : valeur h' = 34,4° 0,1°

Calcul du rayon de la Terre :

h - h' = 3,2° 0,2°
R = 360 x 360 / [2 x p x (h - h') ]

On trouve ici un encadrement plutôt satisfaisant : 6066 km R 6875 km

 

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