La radioastronomie
Ce texte est tiré d'un article de Michèle Gerbaldi, Compte Rendu de l'École d'Été d'Astronomie du CLEA, Grasse, Septembre 1980
Domaine de longueur d'onde : l 1 mm et jusqu'à 15 m.
Cette limite supérieure de 15 m étant due à l'ionosphère qui devient alors réfléchissante : cette longueur d'onde limite n'est pas stricte ; elle dépend des conditions météorologiques et du flux de particules solaires qui vont modifier l'état d'ionisation des hautes couches atmosphériques.
LES DÉBUTS DE LA RADIOASTROSTRONOMIE
En 1880, Edison proposa d'observer le Soleil en utilisant un radiotélescope. Après quelques essais infructueux ceux-ci furent définitivement abandonnés lorsqu'à partir des lois de Planck, on estima en 1902 que le rayonnement émis par le Soleil était proche d'un rayonnement thermique de 5 800 K et qu'il était par conséquent inutile de chercher à faire des observations dans le domaine des ondes radio, où l'intensité du flux émis était bien trop faible.
Il faut attendre 1932 et la découverte fortuite par C.Jansky de l'émission galactique (l = 14,6 m) pour le début de la radioastronomie qui ne démarra réellement qu'après la seconde guerre mondiale en bénéficiant des progrès des techniques radars. Les premières observations se font à de grandes longueurs d'onde pour lesquelles les récepteurs sont les plus faciles à construire. Puis le déplacement s'est fait progressivement vers les longueurs d'onde de plus en plus courtes, jusqu'à rejoindre l' I.R.
Jusqu'en 1944 on ne comprenait pas très bien quelle pouvait être l'origine du rayonnement radio observé en provenance de la Voie Lactée.
En 1944, un astronome hollandais, Van de Hulst prédit la production de rayonnement dans le domaine radio par les deux processus suivants :
- a) raies de recombinaison dans le domaine radio
- b) raie correspondant à la transition entre deux sous niveaux du niveau fondamental de l'atome d'hydrogène. Cette raie située à 21 cm fut observée dès 1951 et permettra l'investigation de la répartition de l'hydrogène neutre dans la Galaxie et un peu plus tard dans des galaxies lointaines.
Grâce à ces deux suggestions, la radioastronomie avait conquis ses lettres de noblesse.
Il existe d'autres processus de création de rayonnement radio en particulier le rayonnement synchrotron mais nous ne détaillerons ici que ces deux exemples.
LES RAIES DE RECOMBINAISON, OBSERVATION DES RÉGIONS HII
Considérons une étoile dont la température superficielle est élevée : 30 000 K, voire même 100 000 K. D'après la loi de Wien, si on assimile dans une première approche le rayonnement de cette étoile à celui d'un corps noir, cette étoile présente un maximum d'émissivité aux alentours de 450 ; ces photons sont très énergétiques et ils sont capables d'ioniser les atomes d'hydrogène qui sont au voisinage de l'étoile, dans une enveloppe gazeuse entourant l'étoile. Cette région où l'hydrogène va ainsi être ionisé par les photons de l'étoile, s'appelle "région HII". Mais les électrons ainsi arrachés vont se recombiner avec les atomes de cette enveloppe, principalement des protons puisque ceux-ci sont les plus nombreux : l'hydrogène ionisé se recombine dans un état excité de l'hydrogène neutre.
Ionisation de l'atome d'hydrogène
Recombinaison et exemple de cascade
Puis par cascades successives, l'atome va retourner à l'état fondamental, mais à chaque passage d'un niveau d'énergie à un autre, il y aura émission d'un photon correspondant à la différence d'énergie entre les 2 niveaux. Les transitions entre les niveaux les plus élevés conduisent à la création d'un rayonnement radio, puis on aura émission d'un photon I.R. visible et peut-être même ultraviolet.
On observe dans le domaine radio, des raies correspondant à des transitions entre les niveaux n = 110 et n = 109 ou entre n = 105 et n = 104.
Ces raies peuvent être observées dans le milieu interstellaire car l'élargissement des niveaux d'énergie par collision est inférieur à la différence d'énergie entre deux niveaux successifs, bien que ces niveaux soient très rapprochés. Dans les conditions physiques habituelles au laboratoire terrestre, ces niveaux n'existent plus car très élargis, ils finissent par se confondre avec le continu.
L'observation de ces raies et l'analyse de leur profil a permis de déterminer la température électronique des régions HII, c'est-à-dire la température correspondant à la vitesse des électrons.
Mais ces électrons libres, avant de se recombiner se déplacent dans la nébuleuse : ce sont donc des particules chargées en mouvement qui vont émettre du rayonnement dès que leur accélération sera modifiée. Le rayonnement ainsi émis est continu et prédominant dans le domaine radio.
C'est ce rayonnement qui avait été détecté par les premiers radioastronomes durant les années 1880 alors qu'ils pointaient leurs radiotélescopes dans la direction de la Voie Lactée, le plan de notre Galaxie étant riche en région HII.
LA RAIE 21 cm DE L'HYDROGÈNE NEUTRE
De 5 à 10% de la masse totale de notre Galaxie se présente sous forme d'hydrogène atomique présent dans le milieu interstellaire.
L'étude de ce milieu, froid, est possible par l'observation de la raie à 21 cm qui correspond à la transition entre deux sous niveaux du niveau fondamental résultant de la structure hyperfine de l'atome. La transition se produit lorsque l'électron renverse son spin : le niveau supérieur correspond au spin de l'électron parallèle à celui du noyau et le niveau inférieur aux spins antiparallèles.
Cette raie prédite en 1914 fut détectée en 1951. Son observation permit dès 1952 de définir la structure spirale de notre Galaxie.
Cette raie est observée, soit en absorption, soit en émission.
Cette raie sera observée en émission dans le cas où on observe un nuage d'hydrogène neutre. Dans le cas où on observe le rayonnement d'une radiosource au travers d'un nuage d'hydrogène neutre, on l'observe en absorption.
Formation de la raie 21 cm en émission
Au sein d'un nuage d'hydrogène neutre, des collisions se produisent ; ces collisions sont très rares car le milieu interstellaire est très dilué et elles ont pour effet de faire passer l'atome du sous niveau inférieur au niveau fondamental à son sous niveau supérieur ; c'est-à-dire que l'électron renverse son spin. Ces collisions, tout en étant rares car le milieu interstellaire est très dilué, sont cependant un peu plus fréquentes que le taux de désexcitation spontanée entre ces deux sous niveaux qui est très faible : en effet, la durée de vie du niveau supérieur est de 107 ans. Il y a donc un peuplement du niveau supérieur par collision. Le dépeuplement de ce niveau se fait par collision et désexcitation spontanée en produisant un photon à la longueur d'onde de 21 cm qui correspond à la différence d'énergie entre ces 2 niveaux. Il est important de signaler que dans ces milieux, le nombre de collisions susceptibles d'exciter l'atome d'un niveau d'énergie à un niveau d'énergie supérieure n'est pas égal au nombre de collisions qui désexcitent l'atome.
Malgré la très faible abondance de l'hydrogène, on observe la raie car, sur la ligne de visée, étant donné la grande étendue du milieu, on rencontre un très grand nombre d'atomes.
L'observation de cette raie a permis de détecter l'hydrogène neutre jusqu'à 30 Kpc car l'absorption interstellaire dans le domaine radio est négligeable.
Formation de la raie 21 cm en absorption
Certains objets présentent dans leur rayonnement une raie d'absorption à la longueur d'onde 21 cm. Si ces radiosources sont situées dans la même direction qu'un des bras de notre Galaxie, on observe ce rayonnement radio, qui se superpose à l'émission propre de l'hydrogène du bras.
La détermination du spectre de la radiosource seule, nécessite la mesure, à côté de cette radiosource du spectre d'émission à 21 cm de l'hydrogène neutre de notre Galaxie. Il suffit alors de soustraire cette mesure de celle faite sur la radiosource, pour connaître le rayonnement propre de la radiosource.
LES RADIOTÉLESCOPES
Le site doit éviter les parasites radio d'origine terrestre ; certaines bandes de fréquences ont été réservées aux observations radio astronomiques, c'est à dire qu'elles ne peuvent pas être attribuées pour les communications.
Les observations dans le domaine des longueurs d'onde millimétriques nécessitent un site d'altitude sec, afin de limiter l'absorption atmosphérique qui peut encore être notable dans ce domaine ; mais le milieu ambiant est lui-même émetteur et il faut tenir compte de ce rayonnement parasite, inévitable lors des observations : le sol se comporte comme un corps noir de température voisine du 300 K.
Le collecteur est constitué d'un "miroir" à face métallique. La dimension de ces mailles doit être inférieure à l / 10 afin de préserver la qualité des "images" formées par ce collecteur. Pour la longueur d'onde 21 cm, l / 10 # 2 cm, la surface du collecteur sera donc un grillage pour des observations dans le domaine des ondes centimétriques ; par contre si l = 1 mm, l / 10 = 0,1 mm, dans ce cas, la surface doit être complètement métallisée.
Photo G. Paturel
Un morceau du grillage du miroir du radiotélescope de Nançay.
Le pouvoir séparateur (théorique) d'un instrument est donné par la relation (approchée) : 1,22 l / D où l est la longueur d'onde d'observation et D le diamètre du collecteur.
Cette relation donne (exprimée en radians) la séparation angulaire minimum qu'il est possible de mesurer. Ainsi à 21 cm, un collecteur de 100 mètres de diamètre donne une séparation angulaire de 26 x 10-4 radians, soit 9 minutes d'arc.
L'il a une séparation angulaire d'environ 2 x 10-4 radian (l = 5000 ), c'est à dire qu'il ne pourra pas séparer des objets dont la distance angulaire est inférieure à 2 x 10-4 radian. Si on voulait obtenir le même pouvoir séparateur en radio, il faudrait collecteur de 1 km de diamètre !
Les télescopes optiques ont un pouvoir séparateur d'environ 0,5 seconde d'arc.
La technique interférométrique permet d'atteindre ce pouvoir séparateur, mais la sensibilité de l'instrument n'est pas augmentée.
Un des problèmes de la radioastronomie est de maintenir la forme du collecteur aussi proche que possible de celle d'un paraboloïde de révolution afin de ne pas détériorer la qualité de l'image formée.
0r ces collecteurs sont de grandes dimensions, et, comme en optique, pour compenser le mouvement de rotation de la Terre sur elle-même, ils doivent être animés d'un mouvement qui compense cette rotation, il y aura donc nécessairement déformation d'une aussi grande surface métallique.
Cependant, on astreint ce collecteur à toujours garder la forme d'un paraboloïde de révolution et grâce à des contrôles électroniques on détermine la position du foyer de ce paraboloïde ; on positionne alors le détecteur au foyer ; lorsque la forme du collecteur se sera modifiée en un autre paraboloïde - mais toutefois très voisin du précédent - le détecteur est déplacé au nouveau foyer.
On conçoit aisément qu'on est rapidement limité en dimension pour de tels collecteurs. Afin de pouvoir augmenter la surface du collecteur, on a dû alors limiter sa mobilité : on a alors un instrument qui n'a plus qu'un seul degré de liberté ; c'est le radiotélescope de Nançay ou bien aucun : c'est l'instrument d'Arecibo.
Le plus grand radiotélescope orientable est un paraboloïde de révolution de 100 mètres de diamètre situé près de Bonn (République Fédérale d'Allemagne).
Le radiotélescope de Nançay (Cher) est le troisième plus grand radiotélescope au monde. Ce radiotélescope, dont la surface collectrice est plane, ne peut observer les objets que lors de leur passage du méridien du lieu.
Sur un objet donné, ce radiotélescope peut poser 1 heure. Lorsqu'il est au voisinage du méridien, le détecteur est alors déplacé dans le plan focal pour suivre la source.
Photo CNRS - Observatoire de Paris Le radiotélescope de Nançay Le site de Nançay avec le grand radiotélescope. On voit, au fond, le grand miroir plan mobile autour d'un axe horizontal. Ce miroir renvoie le faisceau sur le miroir sphérique du premier plan. Le faisceau converge alors au foyer situé entre les deux miroirs. Là un chariot mobile suit l'image de la source pendant son passage au méridien. La durée maximale de mesure est d'environ une heure. |
Le télescope le plus sensible est situé à Arecibo (Porto Rico).
Le collecteur a un diamètre de 300 mètres ; il a été fixé en utilisant la forme naturelle d'un cratère volcanique. Ce collecteur est fixe et il ne peut observer que les objets qui passent au voisinage du zénith ; le champ est de 360 ° x 20°. Comme à Nançay, quand la source n'est plus strictement au zénith, on déplace le détecteur dans le plan focal, car la source est alors observée hors de l'axe du paraboloïde. Une observation faite sur un objet hors de l'axe du collecteur a pour effet de déformer "l'image" formée au foyer ; ce qui serait un grave défaut pour une observation optique mais en radioastronomie, ce défaut est en quelque sorte atténué par le mauvais pouvoir séparateur de l'instrument.
Le Radiotélescope d'Arecibo
Le récepteur radio est réglé pour une bande passante donnée dans laquelle des canaux à différentes fréquences peuvent être positionnés.
L'antenne détectant le rayonnement est située au foyer du collecteur. Elle permet de faire des mesures de flux en différents points de "l'image" radio, mais évidemment avec beaucoup moins de résolution que dans le domaine optique.
LA RADIOASTRONOMIE MILLIMÉTRIQUE
La construction des collecteurs et des récepteurs pour la radioastronomie millimétrique est beaucoup plus critique que dans les autres domaines de longueur d'onde ; ainsi la surface du collecteur, par exemple un paraboloïde de 30 m de diamètre, ne doit-elle pas s'écarter de plus de 0,1 mm de sa forme théorique ; quant au récepteur, il doit être refroidi entre 15 et 20 K. Il nécessite d'utiliser une électronique plus performante.
Dès 1966, l'Observatoire de Bordeaux construisait un interféromètre de 2 antennes, de diamètre 2,5 m chacune, afin d'obtenir un très bon pouvoir de résolution dans le domaine millimétrique. Cet instrument a permis l'étude d'un grand radiotélescope millimétrique.
En 1979, fut signé un accord entre la France et l'Allemagne pour la construction d'un radiotélescope dont le collecteur aurait 30 m de diamètre et qui serait implanté à 2 850 m d'altitude dans la Sierra Nevada (Espagne) ainsi qu'un interféromètre de 3 antennes de 15 mètres de diamètre chacune, mobiles sur une base de 400 mètres et qui seraient installées sur le plateau de Bure à 2 550 m d'altitude, près de Gap. Ces antennes sont opérationnelles depuis 1963 et 1985.
Ces sites en altitude sont nécessaires pour ne pas être trop gênés par l'absorption atmosphérique due principalement à la vapeur d'eau dans ce domaine de longueur d'onde.