Quelques résultats en radioastronomie

par clea last modified 2015 Jun 11 20:26

Ce texte est tiré d'un article de Michèle Gerbaldi, Compte Rendu de l'Ecole d'Eté d'Astronomie du CLEA, Grasse, Septembre 1980

L'apport de la radioastronomie à l'Astrophysique a été énorme. Nous ne citerons que quelques exemples :

 

    • a) mesure de la répartition et de l'abondance de l'hydrogène neutre grâce à l'observation de la raie à 21 cm.
      Ces observations ont permis de connaître la structure spirale de notre Galaxie ainsi que le contenu en hydrogène neutre de nombreuses galaxies. La mesure de la rotation des galaxies a fourni un puissant indicateur de distance pour étudier la loi d'expansion de l'univers.

       

    • b) découverte des pulsars

       

    • c) découverte du rayonnement cosmologique à 2,7 K

       

    • d) découvertes de radiosources extragalactiques extrêmement énergétiques où le rayonnement peut atteindre plusieurs millions de fois celui du Soleil.
      Ces objets extrêmement lointains constituent des sondes qui permettent d'observer l'état de l'Univers dans le passé. On pense que le mécanisme d'émission de ce rayonnement est produit par des électrons relativistes spiralant dans un champ magnétique (rayonnement synchrotron).

       

    • e) détection des molécules
      Nous allons développer plus particulièrement ce dernier point. Le développement concernant la mesure des distances des galaxies et de l'expansion de l'univers est détaillé à la rubrique "galaxies".

 

DETECTIONS DES MOLECULES

Les premières molécules furent découvertes en observant des raies dans le spectre d'étoiles chaudes (de type spectral O ou B).

 

L'observateur observe l'étoile au travers du nuage de matière interstellaire. Les molécules se trouvant dans ce nuage absorbent le rayonnement émis par l'étoile à certaine longueur d'onde, créant une raie d'absorption caractéristique de la molécule absorbante.
Ainsi en 1937 furent découverts les radicaux CH+ par une raie en absorption détectée à 395,8 nm, et CH par une raie à 430 nm, puis en 1939 CN, par une raie à 387,5 nm.

Mais ces observations ne permettent de détecter les molécules que si elles sont situées dans les nuages qui s'interposent entre l'étoile et l'observateur, et l'absorption interstellaire limite très sérieusement en distance, les observations optiques ; les observations radio n'étant pas affectées par le milieu interstellaire ont permis de détecter un très grand nombre de molécules. En 1963 le radical hydroxyle OH fut détecté grâce à la présence d'une raie d'absorption à la longueur d'onde de 18 cm en observant le rayonnement radio de la source Cassiopée A.

En 1965 ce même radical OH fut observé en émission intense dans la nébuleuse d'Orion. Si on faisait l'hypothèse que cette raie était formée dans un milieu en équilibre thermique, on en déduisait que la température de ce milieu était de 1 013 K. Or à une telle température les molécules seraient détruites. En réalité, cette raie en émission est produite par un processus hors équilibre : l'effet maser.

 

L'EFFET MASER

L'effet maser (microwave amplification by stimulated emission of radiation) est l'analogue de l'effet laser dans le domaine optique.

Les molécules, tout comme les atomes, peuvent prendre des états d'excitation que l'on caractérise par des niveaux quantifiés d'énergie.
Dans le cas où le milieu est à l'équilibre thermique caractérisé par une certaine température T, les molécules sont dans des états d'excitation différents, mais dont la distribution présente un maximum fonction de la température du milieu. Il s'en suit que les raies, susceptibles de se former dans un tel milieu, ont une intensité qui sera fonction des populations des niveaux, c'est à dire du nombre de molécules dans tel ou tel état d'excitation. Ainsi l'intensité de la raie sera fonction de la distribution des états d'énergie des molécules, donc de la température du milieu. C'est ainsi qu'à partir de l'observation du profil des raies, on peut déduire la température du milieu dans lequel elles se sont formées.

En appliquant ce résultat à la raie l = 18 cm du radical OH, on a trouvé une température de 1013 K, ce qui est contradictoire avec l'existence des molécules dans un tel milieu.
On pense que cette raie s'est formée dans un milieu où cette situation d'équilibre entre la température et le peuplement des niveaux d'énergie était altérée : c'est à dire qu'un niveau d'énergie était beaucoup plus peuplé que sa situation à l'état d'équilibre.

Un mécanisme typique de formation des raies est le suivant :

 

On dit qu'il y a "pompage" parce qu'il y a surpeuplement du niveau 3 par rapport à l'état d'équilibre thermique.
Une molécule, située dans le niveau fondamental, absorbe un photon infrarouge, qui la fait passer au niveau 3, ce photon ayant une énergie égale à la différence d'énergie entre les niveaux 1 et 3.

Spontanément, la molécule se désexcite, et retombe vers un niveau d'énergie moindre, figuré ici par le niveau 2, tout en émettant un photon dont l'énergie est égale à la différence d'énergie entre les niveaux 3 et 2, ou bien, cette redescente peut se faire par cascades successives entre différents niveaux d'énergie, et en donnant lieu à chaque fois à l'émission d'un photon.
Le niveau 2 atteint est un niveau métastable, c'est-à-dire que la probabilité de transition entre les niveaux 1 et 2 est très faible, ou bien encore que la durée de vie du niveau 2 est très grande.
Ainsi le niveau 2 est-il surpeuplé par rapport à ce qu'il serait dans l'état d'équilibre thermique.
Sous l'action d'un photon d'énergie égale à la différence des énergies entre les niveaux 1 et 2, la molécule se désexcite spontanément en émettant un second photon de même énergie ; ce phénomène est " l'émission induite " découverte par Einstein.

Ces 2 photons vont entrer en collision avec 2 autres molécules et produire à leur tour deux autres photons et ainsi de suite. On a donc création de 2, 4. 6. 16, 32 etc… photons au fur et à mesure qu'ils se propagent dans le milieu, d'où la formation d'une raie considérablement plus intense que dans le cas de l'équilibre. Il suffit d'une inversion de population des niveaux 1 et 2 de quelques pour-cent, par rapport à celle de l'équilibre thermique pour obtenir une amplification du nombre de photons émis d'un facteur 108 à 1010 ; il y a équilibre entre le processus de peuplement des niveaux et le rayonnement. L'émission par effet maser est très directionnelle.

 

OBSERVATIONS DES MASERS

On a observé dans le spectre des étoiles très évoluées la présence de raies en émission formées par effet maser dues à la vapeur d'eau (H20), au radical hydroxyle OH, au monoxyde de silicium SiO.

L'observation de ces raies et l'analyse de leur décalage par effet Doppler permet de reconstituer la structure de l'enveloppe circumstellaire de ces étoiles où ces raies sont créées. Les photons infrarouges nécessaires au "pompage" sont fournis par le rayonnement de l'étoile proprement dit. La température de surface de ces étoiles est d'environ 2 000 K (celle du Soleil est de 6 000 K) et la plus grande partie de leur rayonnement se produit dans l'infrarouge avec un maximum aux alentours de 1,5 µm.

II est évidement difficile de situer la "surface" d'une étoile ; disons qu"elle correspond plus ou moins aux régions de l'atmosphère de l'étoile où se forme le rayonnement que nous observons dans le domaine visible - on appelle cette région : la photosphère -
Dans le cas d'étoiles très évoluées, le rayon de l'étoile est plusieurs centaines de fois celui du Soleil.

La pression de radiation due au rayonnement de l'étoile expulse vers l'extérieur de l'atmosphère, les molécules qui s'y créent par condensation et là, l'effet maser peut se produire et les raies moléculaires se former.

On observe également des raies formées par effet maser dans le milieu interstellaire. L'effet maser, dans ce cas, est observé dans les nuages de matière interstellaire qui se contractent sous l'effet de la gravitation et qui sont la première étape dans le processus de la formation des étoiles. Ces raies maser sont associées à d'autres raies moléculaires créées aussi dans ce nuage. On ne sait pas encore très bien ici quel est le mécanisme qui permet le "pompage" : rayonnement ou bien encore collision.

 

DETECTION DES MOLECULES

On a observé maintenant plus de cent molécules, soit dans l'atmosphère étendue d'étoiles très évoluées, soit dans des concentrations de matière interstellaire.

Ainsi en 1968 fut découverte la molécule complexe NH3 à l = 1,3 cm.

Les molécules ne peuvent être trouvées que dans des régions relativement froides. Les nuages de matière interstellaire, sont des milieux favorables à la formation de molécules, de par leur température (~50 K) et leur densité (de 10 à 100 particules par cm3). Les poussières présentes dans ces nuages forment un écran protecteur contre la dissociation des molécules par le rayonnement ultraviolet d'étoiles voisines du nuage en absorbant ce rayonnement.
Cette augmentation de l'énergie des grains de poussière, consécutive à cette absorption sera en partie transformée énergie cinétique ; il s'en suit une augmentation du taux de collisions dans ce milieu. Les molécules au cours de telles collisions voient leur état d'excitation augmenter, puis lors d'une désexcitation ultérieure, il y a création de photons : c'est ce rayonnement qui est observé et qui permet de détecter les molécules.

Ces nuages de matière interstellaire étant les sites où se forment les étoiles, on comprend toute l'importance de l'observation des raies moléculaires. La plupart de ces raies sont situées dans le domaine des ondes radio et pour certaines d'entre-elles dans le domaine millimétrique : raie du méthylacétylène (CH3CCH) à 3,5 mm par exemple, c'est ainsi que s'est développé le domaine de la radioastronomie millimétrique.

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