Complément 3 : Démonstrations signées Newton
De motu (1684)
SUR LE MOUVEMENT TOURNANT DES CORPS
Définitions.
J'appelle:
1. Force centripète, celle par laquelle un corps est attiré ou poussé vers un point quelconque considéré comme un centre.
2. Force du corps, ou force inhérente au corps, celle par laquelle celui-ci s'efforce de persévérer dans son mouvement selon une ligne droite.
3. Résistance, celle qui provient de l'empêchement régulier dû au milieu.
Hypothèse 1 : La résistance est nulle dans les neuf premières propositions, et dans les suivantes elle est comme la vitesse du corps et la densité du milieu prises ensemble.
Hypothèse 2 : Tout corps par sa seule force inhérente, s'avance uniformément selon une ligne droite à l'infini, à moins que quelque chose d'extérieur ne l'en empêche.
Hypothèse 3 : Un corps, dans un temps donné, est porté par plusieurs forces réunies au même lieu où il serait porté successivement par ces forces divisées en des temps égaux.
Hypothèse 4 : L'espace qu'un corps décrit sous l'action d'une force centripète quelconque au commencement de son mouvement, est en raison double du temps.
Théorème I
Tous les corps qui tournent décrivent par les rayons menés au centre des aires proportionnelles au temps.
Que le temps soit divisé en parties égales, et que dans la première partie de temps le corps décrive par sa force inhérente la droite AS. De même dans la seconde partie de temps, si rien ne l'empêchait, il continuerait en ligne droite (hypothèse 1) jusqu'en c, décrivant la ligne droite Bc égale à AB, de sorte que si l'on trace les rayons AS, BS, cS jusqu'au centre, seront parcourues des aires égales ASE, BSc.
Mais lorsque le corps arrive en B, que la force centripète agisse par une impulsion unique mais importante, et oblige le corps à se détourner de la droite Bc et à continuer sur la droite BC. Que l'on trace parallèlement à BS la droite cC qui coupe BC an C ; à la fin de la seconde partie de temps le corps se trouvera an C (hypothèse 3).
Joignez SC et le triangle SBC, à cause des parallèles SC, Cc, sera égal au triangle SBc, et donc égal au triangle SAB.
Par un argument semblable, si la force centripète agit successivement en C, D, E, etc. et fait décrire au corps dans chacun des moments de temps, chacune des droites CD, DE, EF, etc., le triangle SCD sera égal au triangle SBC, et SDE égal à SCD, et SEF égal à SDE.
Donc en des temps égaux sont décrites des aires égales.
Maintenant que ces triangles soient en nombre infini et infiniment petits, si bien qu'à chacun des moments de temps corresponde chacun des triangles, la force centripète agissant alors sans interruption, et la proposition sera établie.
Théorème 2
Si des corps tournent uniformément sur des circonférences de cercle, les forces centripètes sont comme les carrés des arcs décrits en même temps, divisés par les rayons des cercles.
Que les corps B et b, tournant sur les circonférences des cercles BD et bd, décrivent en même temps les arcs BD et bd.
Par leur seule force inhérente ils décriraient les tangentes BC et bc égales à ces arcs. Ce sont les forces centripètes qui retirent perpétuellement les corps depuis les tangentes jusqu'aux circonférences, et donc ces forces sont entre elles comme les distances CD et cd gagnées par les corps c'est-à-dire, en prolongeant CD et cd jusqu'en F et f elles sont comme BC2/CF à bc2/cf, ou encore comme BD2/ (1/2 CF) à bd2/ ( 1/2 cf).
Je parle d'espaces BD et bd très petits et diminuant à l'infini, de sorte qu'à la place de 1/2 CF et 1/2 cf il est permis d'écrire SE et sb, les rayons des cercles, Cela fait, la proposition est établie,
Corollaire 1: Par conséquent les forces centripètes sont comme les carrés des vitesses divisés par les rayons des cercles.
Corollaire 2 : Et inversement comme les carrés des temps périodiques divisés par les rayons.
Corollaire 3 : Donc si les carrés des temps périodiques sont comme les rayons des cercles, les forces centripètes sont égales et réciproquement.
Corollaire 4 : Si les carrés des temps périodiques sont comme les carrés des rayons, les forces centripètes sont inversement comme les rayons.
Corollaire 5 : Si les carrés des temps périodiques sont comme les cubes des rayons, les forces centripètes sont inversement comme les carrés des rayons ; et réciproquement.
Scholie : Le cas du corollaire 5 a lieu pour les corps célestes. Les carrés des temps périodiques sont comme les cubes des distances à partir du centre commun autour duquel ces corps sont en révolution. C'est le cas des grandes planètes tournant autour du Soleil, et des petites autour de Jupiter, comme l'ont désormais établi les astronomes.
De Motu - 1684 - Isaac Newton