Détermination de la trajectoire de Mars
Le progrès, par l'exigence croissante qu'il engendre, nous pousse à approfondir encore nos connaissances. Plus la science progresse, plus le nombre de questions nouvelles augmente, car chaque nouvelle découverte ouvre la porte à de nouvelles interrogations. Nous pourrions nous contenter de ce que nous savons déjà. Cependant les observations méticuleuses de Tycho-Brahé révélèrent à Kepler que la trajectoire d'une planète ne pouvait pas se représenter par un cercle. Ce fut une grande surprise pour l'époque car le cercle était considéré comme une figure géométrique parfaite. Il fallait beaucoup d'audace pour abandonner cette vision. Mais les mesures l'imposaient. Nous allons essayer de nous en convaincre. Essayez de refaire la figure avec les données utilisées par Kepler. C'est assez laborieux mais c'est une façon de comprendre cette construction, dans le détail.
Les mesures de Tycho Brahé
Tycho Brahé avait accumulé les observations de la planète Mars. Il avait ainsi les positions très précises à la minute d'angle près sur un laps de temps d'au moins dix ans. C'était un travail remarquable. Réussir à mesurer un angle d'un soixantième de degré n'est pas chose facile. Pour vous en convaincre, regardez votre rapporteur. Les plus petites divisions sont de un degré (parfois un demi degré). C'est déjà très petit.
Tycho Brahé n'exploita pas ses données. Il les garda même jalousement sans les faire partager à son jeune et génial collègue Kepler. Peut-être avait-il compris quelle révolution se cachait dans ses données. Quand il mourut, Kepler hérita de ce trésor qu'il sut magnifiquement exploiter. C'est l'extrême confiance en la qualité des mesures de son maître qui permit à Kepler de se convaincre qu'il y avait quelque chose de nouveau. Comment procéda-t-il ?
Tycho Brahé avait enregistré les longitudes écliptiques de Mars. Le choix de coordonnées écliptiques était très naturel. En effet les planètes sont toutes très proches de ce plan. On peut dessiner sur une même feuille de papier, la trajectoire de la Terre, et la trajectoire de Mars, Le Soleil occupant le centre (puisque nous faisons, avec Kepler, l'hypothèse que le système du monde est héliocentrique).
Parmi toutes les mesures de Tycho Brahé, Kepler a pu trouver des paires de mesures faites à 687 jours d'intervalle. Pourquoi donc ? Depuis la Terre, on peut observer Mars et voir quand la planète revient à la même position par rapport aux étoiles. Mars est-elle donc revenue au même point de l'espace ? Non, car la Terre, n'étant plus à la même place, le point de vue a changé. Entre ces deux observations il s'est écoulé un temps S, qu'on appelle la période synodique. Pour Mars cette période est de 780 jours. Comment trouver la vraie période, celle que nous mesurerions depuis une étoile extérieure et que l'on appelle pour cette raison, la période sidérale P. Le calcul n'est pas difficile. Comment déterminer la période sidérale à partir de la période synodique ? Dans le cas d'une planète intérieure (planète plus proche du Soleil que ne l'est la Terre). Le calcul est assez simple. Amusez vous à le refaire et vous trouverez que :
Avec S = 780 jours, vous trouverez que Mars revient exactement au même point de sa trajectoire après un temps P = 687 jours. Ce genre de calcul était familier à Kepler. C'est ce qui explique qu'il ait constitué des paires de mesures avec cet intervalle de temps. Nous reproduisons les mesures utilisées par Kepler.
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Figure 1 : La construction de Kepler avec des paires de points.
Vous voyez sur la Figure 1 que par ces observations Kepler a pu donner la position de Mars pour chacune des paires de mesures, en supposant la Terre se déplaçant régulièrement sur une orbite circulaire (ce qui est une bonne approximation, mais Kepler avait pu aussi tracer la forme de l'orbite terrestre).
Avec la date on peut placer la Terre aux emplacements exacts sur son orbite autour du Soleil.
Regardez, par exemple, le point 5a. Il correspond au 10 mars 1585, une dizaine de jours avant l'équinoxe de printemps. Vu depuis 5a le Soleil est presque dans la direction du point g (le point gamma). La direction du Soleil vue depuis le point 2a (19 septembre) nous donne presque la direction du point g', opposé au point gamma.
En construisant les cinq positions de Mars pour les cinq paires de mesures, Kepler a vu que le Soleil n'était pas au centre de la trajectoire de Mars. L'excentricité (écart entre le centre réel et la position du Soleil, rapporté à la mesure du rayon maximal) est de 0.09, presque dix fois celle de la Terre (Si vous avez fait la construction, essayez de mesurer l'excentricité, vous serez surpris de la précision que l'on peut obtenir).
C'est ainsi que Kepler a pu faire l'hypothèse que la trajectoire de Mars était bien représentée par une ellipse.
Il a constaté aussi que la vitesse de déplacement des planètes n'était pas constante. Quand la planète est loin du Soleil sa vitesse est plus faible. Mais alors, me direz vous, c'est aussi vrai pour la Terre et le temps, mesuré par la position du Soleil, va être affecté d'une variation traduisant les changements réguliers de vitesse de la Terre sur son orbite.
Oui, c'est ce qu'on appelle l'équation du temps.