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EUROPE ET LES SATELLITES DE JUPITER
Guy Moreels,Observatoire de Besançon
Lorsqu'il pointa sa Lunette astronomique vers Jupiter, en 1610, Galilée nota immédiatement la présence, de part et d'autre de la planète, de quatre points brillants. A l'aide de croquis, il nota les positions respectives de ces points brillants et observa leur évolution au fil des nuits. Ceci lui permit d'établir une comparaison entre le mouvement de ces objets autour de Jupiter et le mouvement des planètes autour du Soleil. Il avait compris que le mécanisme était identique dans les deux cas.
Depuis, on associe généralement le qualificatif de "galiléens" aux quatre satellites les plus proches de Jupiter : Io, Europe, Ganymède et Callisto. Parmi ces satellites, il est maintenant presque certain qu'Europe contient une importante quantité d'eau liquide surmontée d'une couche de glace constituant une banquise. Ganymède et Callisto possèdent également de la glace, mais sont peut-être dépourvus d'eau liquide. Ils sont également moins soumis aux contraintes gravitationnelles qu'Europe et que le plus proche satellite de Jupiter, Io, qui
est le siège d'une intense activité volcanique.
Europe.
Europe est un satellite d'une taille assez importante, de diamètre 3 138 km. Elle est un peu moins grande que la Lune et, par sa taille, se situe au 6ème rang parmi les satellites de notre système planétaire. L'hypothèse de la présence d'un océan sur les satellites galiléens avait été émise par Fanale en 1977. Deux années plus tard, les photographies des sondes Voyager montrèrent que la surface d'Europe ressemblait à celle de la glace, qu'elle était relativement plate et qu'elle était parcourue de grands sillons. Le fait le plus surprenant était qu'elle ne présentait pratiquement aucun cratère. Les photographies de Galileo montrent de longs traits qui peuvent être des fractures, des failles ou des crevasses, des blocs qui semblent s'être encastrés les uns dans les autres. On observe également quelques disques circulaires qui ne présentent pas de bords relevés comme les cratères d'impact. Il s'agirait de trous dans la glace correspondant à d'éventuelles éruptions sous-marines.
Deux faits ont amené les planétologues à émettre l'hypothèse de l'existence d'un océan sous la banquise superficielle.
D'une part, l'aspect de la surface montre qu'elle est soumise à des mouvements analogues à ceux d'une banquise. Ces mouvements sont liés au fait que la glace peut glisser facilement sur l'eau sous-jacente.
D'autre part, étant donné qu'Europe se trouve près de Jupiter, elle subit des forces de gravitation différentielle (forces de marée) qui produisent de l'énergie et permettent à l'eau d'exister sous forme liquide.
L'éventualité de la présence d'eau liquide sur Europe a immédiatement amené les scientifiques pluridisciplinaires qui s'intéressent aux planètes à s'interroger sur l'éventualité d'une forme de vie sous-marine dans cet océan. Deux obstacles semblent s'opposer à cette hypothèse
- la faiblesse de la température
- l'absence de rayonnement solaire, à cause de l'éloignement de l'objet et de la présence d'une couche de glace.
Or, un fait nouveau est apparu lorsque, à partir de 1978, des petits sous-marins ont permis d'explorer la dorsale mid‑atlantique.
Les images recueillies ont montré la présence, près des geysers sous-marins, de différentes espèces animales : poissons, crabes albinos et bactéries vivant à l'intérieur même de ces sources chaudes. Ces espèces constituent une biomasse fonctionnant d'une manière différente de celle que nous connaissons dans le monde terrestre environnant. Depuis, des biologistes s'intéressent à certaines formes de vie qui existent dans des étangs en milieu dépourvu
d'oxygène. Ces découvertes, qui ont modifié les vues traditionnelles sur les conditions indispensables au développement de la vie, ont renforcé sérieusement l'hypothèse concernant l'existence d'une certaine forme de vie dans l'océan d'Europe. Dans un tel contexte scientifique, la mission Galileo a été prolongée afin de poursuivre l'observation en détail d'Europe. De
nombreuses idées de missions ont été proposées pour percer cette banquise et rechercher la présence d'organismes dans l'eau qui existe peut-être sous cette glace.
Photographie de la surface d'Europe prise par la sonde Galileo
(cliché JPL-Nasa)
Ganymède et Callisto.
Les satellites Ganymède et Callisto présentent également une surface recouverte de glace Le dégagement d'énergie à l'intérieur de ces satellites par les forces gravitationnelles est beaucoup plus faible que dans le cas d'Europe et de Io. Callisto, qui se situe à la plus grande distance de Jupiter, est constellé de cratères d'impact. De nombreux cratères présentent les structures radiales caractéristiques, comme ceux de Tycho et Kepler sur la Lune. Ganymède présente une surface intermédiaire entre celles d'Europe et de Callisto. De nombreux sillons sont visibles, mais il y a également un certain nombre de cratères d'impact.
Photographies de la surface de Ganymède prises par la sonde Voyager (à gauche) et par la sonde Galileo (à droite). On note l'amélioration considérable de la résolution des images entre les deux missions,
(cliché JPL-Nasa)
Io
Io est le satellite le plus proche de Jupiter. Les premières photographies à haute résolution obtenues par la sonde Voyager 1 en 1979 ont révélé un objet très coloré, allant du jaune au rouge avec des zones noires.
Une preuve évidente de volcanisme a été fournie par un cliché où l'on voit le panache d'un volcan situé au limbe par rapport à la sonde spatiale se détacher sur le fond noir du ciel. Les photographies prises par Voyager montrent la présence d'une cinquantaine de caldéras volcaniques dont certaines sont entourées d'un anneau noir ou rouge (Pele Patera). Les images fournies par la sonde Galileo ont une résolution qui est encore meilleure et, surtout, le suivi de Io sur plusieurs mois a permis de photographier une éruption volcanique (Pillan Patera) entre avril et septembre 1997. Dans le cas des planètes telluriques, la source d'énergie à l'origine de l'activité volcanique est due à la radioactivité de certains éléments du noyau (uranium, plutonium). Dans le cas du satellite Io, la source d'énergie est due aux forces de gravitation différentielle créées par le champ énorme de Jupiter. A cause de l'intense activité volcanique, les matériaux de la surface subissent un recyclage permanent ; ce qui explique l'absence totale de cratères d'impact. Ces matériaux sont principalement du dioxyde de soufre et du soufre. Cet élément possède la propriété, suivant les conditions de refroidissement après sa fusion, de se présenter sous différentes formes qui ont les couleurs variées que l'on voit à la surface de Io.