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par clea last modified 2010 Apr 15 15:06

L'EAU

Guy Moreels,
Observatoire de Besançon

L'eau : un corps aux multiples propriétés

L'eau est pour l'Homme le corps pur qui, de loin, est le plus important. Cette importance est liée à la biologie et la biochimie des êtres vivants dont les tissus sont constitués d'eau en proportion de 60 à 70 %. Elle est liée à son activité car l'eau est à la fois une matière première essen­tielle et un agent employé dans de mul­tiples applications : lavage, réfrigération, fluide liquide ou gazeux. L'importance de l'eau tient à son abondan­ce sur Terre et à ses nombreuses propriétés chimiques, physiques et mécaniques.

Structure de la molécule d'eau

Pour comprendre la structure de la molécule d'eau, formée de deux atomes d'hydrogène et d'un atome d'oxygène, il convient d'analyser les liaisons entre ces atomes ou, si l'on préfère, les forces (inter­actions).

On peut pour cela comparer la molécule d'eau à celles de méthane, CH4, et d'ammoniac NH3. Ces molécules hydro­génées sont organisées autour d'un atome de C, N et 0, trois éléments consécutifs de la classification périodique. Le carbone C, de masse atomique 12, a 4 électrons sur la couche de valence. L'azote, de masse ato­mique 14, en a 5 et l'oxygène 0, de masse atomique 16, en a 6.

  • Dans la molécule de méthane, le carbone est lié à 4 atomes H par 4 liaisons covalentes, la molécule ayant la forme d'un tétraèdre dont le centre est l'atome C.

  • Dans la molécule d'ammoniac, l'azote est lié à 3 atomes H par 3 liaisons covalentes. Il reste donc un doublet d'électrons célibataires de la couche externe de N. La structure de tétraèdre avec l'atome N à l'intérieur est donc respectée.

  • Dans le cas de la molécule d'eau, la structure de tétraèdre se retrouve avec les deux liaisons covalentes O‑H et les deux doublets d'électrons célibataires. On peut également considérer que la molécule a la forme d'un V, qu'elle est pliée et qu'elle sera susceptible de vibrer selon plusieurs modes.

La réaction de formation de l'eau est exothermique : il suffit de faire brûler de l'hydrogène en présence d'oxygène. La réaction inverse est donc endothermique. Elle peut avoir lieu par voie photovoltaïque suivant la réaction (1) :

H2O + hn --> H + OH (1)

Pour que cette réaction ait lieu, il faut qu'une liaison O-H soit rompue, ce qui nécessite un apport d'énergie supérieur ou égal à l'énergie de la liaison 0-H soit 464 kJ / mole. Au niveau de la molécule, il suflït qu'un photon d'énergie au moins égale à 4,81 eV rencontre la molécule d'eau, ce qui correspond à un rayonnement de longueur d'onde l < 258 nm. Lorsqu'il arrive sur les couches supérieures de l'atmosphère d'une planète, le rayonnement solaire dissocie par conséquent la vapeur d'eau et ceci jusqu'aux altitudes où il est absorbé par l'ozone et l'oxygène. L'atome d'hydrogène libéré peut réagir avec un autre composé atmosphérique, comme le dioxygène ou l'ozone, mais il est soumis à une diffusion vers le haut et peut ainsi s'échapper vers l'espace si sa vitesse thermodynamique est supérieure à la vitesse d'échappement. Une question s'impose donc immédiatement  : comment est-il possible que l'eau ait été conservée sur la planète Terre, alors que, sous forme vapeur, elle est un gaz léger (masse 18) si on la compare au dioxygène (masse 32) ou au diazote (masse 28) ? L'eau est donc susceptible d'atteindre les couches supérieures de l'atmosphère, de se dissocier et, finalement, d'échapper à l'attraction gravitationnelle terrestre.

La molécule d'eau est neutre ; elle ne possède pas de charge électrique. Toutefois, la molécule n'étant pas symétrique, si on l'examine en détail au plan électrique, on constate que les doublets d'électrons des liaisons covalentes se trouvent plus près du noyau de l'oxygène que des protons qui constituent les noyaux des atomes d'hydrogène. Une partie de la molécule est donc un peu plus négative, du côté de l'oxygène que l'autre partie, du côté des atomes d'hydrogène. Bien que la neutralité électrique soit respectée pour la molécule, cette dissymétrie crée un dipôle électrique caractérisé par un moment dipolaire. On dit encore que la molécule est polaire, ce que l'on indique en associant les symboles 2d- à l'oxygène et d+ à chaque hydrogène.

L'existence d'un moment dipolaire permet d'expliquer de nombreuses propriétés de l'eau liquide et de la glace. Contrairement aux gaz, où les forces d'interaction entre les molécules se développent principalement lors des collisions, la cohésion d'un liquide ou d'un solide résulte de forces qui existent entre les molécules.

- Dans le cas de l'eau liquide, ces forces sont des forces du type dipôle - dipôle : les dipôles s'attirent comme des aimants, le pôle + par le pôle - et ainsi de suite.
D'autres types d'interactions peuvent également se produire avec l'eau.

- Les forces ion - dipôle existent lorsque des ions se trouvent en solution dans l'eau. Considérons par exemple l'ion sodium Na+ :

Na+ + n H2O --> [ Na (H2O)n ]+ + 397 kJ / mole (2)

L'ion se combine avec un certain nombre de molécules d'eau (n = 6 probablement) pour donner un ion sodium hydraté. La solution laisse évidemment passer le courant électrique.

Les forces de dipôle induit se produisent lorsque la substance introduite dans l'eau n'est pas polaire, comme 02, ou CO2 qui sont des molécules symétriques linéaires. Dans ce cas, au voisinage d'une molécule d'eau, le champ électrique près de cette molécule induit un dipôle dans la molécule 02 ou CO2, Il en résulte une certaine solubilité dans l'eau.

Dans la catégorie des forces dipôle - dipôle, il existe un type de forces que l'on rencontre fréquemment : il s'agit des liaisons hydrogène. Considérons par exemple l'alcool éthylique de formule C2H5-0-H. En présence d'eau, une liaison hydrogène s'établit entre l'hydrogène du groupement OH et l'oxygène de H2O qui porte une charge délocalisée 2 d-.

Le tableau ci-dessous donne quelques valeurs du coefficient de solubilité de quelques gaz dans l'eau


On constate que la solubilité du dioxyde de carbone diminue fortement lorsque la température augmente. Compte tenu de l'importance des échanges entre les océans (hydrosphère) et l'atmosphère, cette variation de solubilité aura des conséquences importantes en ce qui concerne l'évolution du climat terrestre.

L'existence de liaisons hydrogène dans le liquide et la glace a d'autres conséquences au niveau de leurs propriétés physiques car ces liaisons sont assez difficiles à briser, par chauffage notamment. Elles confèrent donc une grande stabilité physique à ces deux phases de l'eau. La molécule d'eau a la forme d'un tétraèdre dont deux sommets sont occupés par un hydrogène et les deux autres par un doublet d'électrons. Chacun de ces sommets est susceptible de participer à une liaison hydrogène. Dans le cas de la glace, le solide est ordonné de façon très régulière en un réseau caractérisé par une liaison 0-H de dimension 177 pm. Dans l'eau, la longueur de cette liaison est presque deux fois plus petite et vaut 99 pm. Lorsque la glace se transforme en eau liquide, la structure régulière se brise et le matériau devient moins lâche. Il existe à la fois des groupements de molécules et des molécules seules.

Les phases de l'eau et leurs transformations respectives.

La remarque précédente met en évidence un comportement très particulier de l'eau  : la phase solide est moins dense que la phase liquide. La glace flotte sur l'eau.
Parmi les milliers de substances dont les paramètres physiques ont été mesurés, seules trois substances présentent cette caractéristique : l'eau, le bismuth et l'antimoine. Le diagramme des phases de l'eau (figure ci-dessous) montre que le point triple correspond à une température de 0,01° C et une pression de 6,1 hectopascals (1 bar = 105 pascals). En dessous du point triple, l'eau ne peut pas exister sous forme liquide. La courbe de changement de phase liquide - vapeur s'arrête en un point appelé point critique pour lequel pC = 221,2 bars et TC = 374,1° C. Au delà de ce point, l'eau devient un fluide supercritique qui possède la propriété de dissoudre des substances insolubles dans l'eau en dessous du point critique.


Diagramme pression‑température des phases de l'eau
et évolution des températures des atmosphères
des planètes telluriques.

Cette figure présente également les courbes d'évolution des températures des atmosphères de Mars, la Terre et Vénus (d'après S. I. Rasool et C. De Bergh, 1970).
Lorsque ces planètes ne sont pas encore entourées d'une atmosphère, leurs températures respectives sont égales à environ -57° C, -7° C et 43° C selon leur degré d'éloignement du Soleil.

Peu à peu, sous l'effet du dégazage, une atmosphère se constitue, ce qui entraîne une augmentation de la pression atmosphérique.
Dans le cas de Mars, lorsque la pression atteint la courbe de changement de phase, on constate que la transition de phase s'effectue en produisant de la glace. La température n'est pas suffisante pour produire de l'eau liquide. Dans le cas de la Terre, les conditions de température et de pression permettent à l'eau de se condenser sous forme liquide. Par contre, dans le cas de Vénus, l'augmentation de pression s'accompagne d'une élévation de température à cause de l'effet de serre. L'eau ne peut plus se condenser. Un changement de phase s'effectue avec un transfert de chaleur.

Le tableau ci-dessous donne les valeurs des chaleurs spécifiques et des chaleurs latentes de l'eau sous forme liquide ou solide.

L'eau et les notions d'acide et de base.

Les notions d'acide et de base sont très importantes dans notre environnement à cause, précisément, de l'abondance de l'eau sur Terre. Il est bien connu que de nombreux sols ne permettent pas certains types de végétations : les rhododendrons demandent impérativement un sol acide. Un sol calcaire ne pourra pas être acide.

La définition d'un acide est la suivante : un acide est une substance qui peut céder un proton H+ à un autre élément. Le pH est défini par le cologarithme de la concentration en ions H+. Le degré d'acidité est mesuré par le pH : pH < 7, le milieu est acide, pH = 7, le milieu est neutre ; pH > 7, le milieu est basique. A cause de la présence de C02 dans l'atmosphère, et compte tenu du fait que ce gaz est un peu soluble dans l'eau, l'eau naturelle comportant uniquement du C02 comme substance dissoute est légèrement acide à cause de la présence de l'ion HC03- produit par la réaction (3)

dissolution de C02 :      H2CO3, <----> HCO3- + H+ (3)

D'une manière générale, l'ion H+, qui est un proton dont le volume est pratiquement négligeable, n'existe pas sous cette forme dans un milieu aqueux. Grâce aux liaisons hydrogène, cet ion s'hydrate sous la forme de H30+ ou H502+ ou encore H7O3+.

Même lorsqu' aucune substance n'est ajoutée à l'eau, un certain nombre d'ions H+ et OH- existent dans le liquide. Les concentrations obéissent à l'équilibre suivant :

2 H2O <---> H30+ + OH-                      (4)

Dans l'eau idéalement pure, le produit des concentrations [H30+] . [OH-] = 10-14. Par conséquent [H30+] = [OH-] = 10-7.
On constate que le cologarithme de [H30+] est égal à 7, qui est le pH d'un milieu neutre. Ceci explique la définition du pH d'une solution.

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