La relativité générale
Novembre 2015 : Pour le centenaire de la publication de la Relativité, une conférence de Jean Eisenstaedt "La Relativité Générale, une théorie longtemps incomprise"
Après les succès de la Relativité Restreinte applicable aux repères en mouvement uniforme les uns par rapport aux autres, Einstein a cherché à étendre sa théorie aux repères accélérés.
Une difficulté apparaissait, même en prenant en compte la relativité restreinte : la loi d'inertie qui veut qu'un corps garde son état de mouvement, n'est plus valable quand on considère des repères non plus galiléens, mais des repères accélérés. Par rapport à ces derniers, des forces nouvelles (forces d'inertie) apparaissent qui modifient l'état de mouvement des corps. Fallait-il concevoir une physique valable pour des repères galiléens et une physique valable pour des repères non galiléens ? Einstein posait la question suivante : " Comment est-il possible que certains repères soient préférés à d'autres repères ? Quelle est la raison de cette préférence ? "
Il fallait trouver en effet une cause à ces comportements différents. Einstein trouve la solution en reprenant une analyse de Newton.
Une distinction subtile avait été faite par Newton entre la masse grave et la masse inerte. De quoi s'agit-il ? Quand deux corps s'attirent mutuellement sous l'effet de la gravitation universelle, la force d'attraction dépend du produit des deux masses. Ces masses s'appellent les masses graves car elles interviennent dans la gravitation. En revanche, quand nous appliquons une force sur un corps pour le mettre en mouvement, le corps montre une inertie qui s'oppose au changement de mouvement. Cette inertie qui s'exprime dans la loi fondamentale de la dynamique (F=m.a) fait intervenir la masse inerte du corps. On l'appelle ainsi car elle intervient dans l'inertie. Expérimentalement on constate que tous les corps qui sont sollicités par un même champ de gravitation, acquièrent des vitesses identiques. C'est la célèbre expérience de Galilée qui, lâchant des sphères de différentes natures du haut de la tour de Pise, constata qu'elles tombaient toutes à la même vitesse. La force d'attraction était plus forte pour les sphères très lourdes (masse grave importante) mais ces mêmes sphères résistaient d'avantage à leur mise en mouvement (masse inerte importante). Il semblait donc, expérimentalement, que ces deux masses étaient identiques. Einstein en fit un postulat.
Pourquoi ce postulat résolvait-il le problème ? La masse inerte étant identifiée à la masse grave, un repère accéléré était donc identifié à un repère galiléen dans un champ de gravitation. Des physiciens, faisant une expérience à l'intérieur d'un ascenseur accéléré, pourraient considérer qu'ils sont dans un repère galiléen soumis à un champ de gravitation. Einstein nourrissait l'espoir que l'étude des champs de gravitation particuliers, nés de ces repères accélérés, allaient nous éclairer d'avantage sur la loi générale de la gravitation. C'est ce qui s'est produit. La théorie de la Relativité Générale est en cela une théorie de la gravitation.
Pour ce qui est du formalisme adopté pour la théorie de la Relativité Générale, une idée révolutionnaire allait être utilisée par Einstein : l'abandon de l'espace Euclidien. Dans un espace Euclidien, le rapport de la circonférence d'un cercle à son diamètre vaut exactement p = 3,1415926.... Ce n'est pas la seule propriété, mais c'en est une. Imaginons deux observateurs, l'un sur un disque tournant, l'autre en dehors. Le premier pourra considérer qu'il est dans un repère galiléen soumis à un champ de gravitation qui le pousse vers l'extérieur du disque. Les deux observateurs ne mesureront pas la même circonférence à cause du mouvement uniforme entre les deux repères. Le diamètre en revanche sera le même car il est perpendiculaire au mouvement. Le rapport de la circonférence au diamètre ne sera pas le même pour les deux observateurs. Cette propriété importante de l'espace euclidien aura disparu pour le premier observateur. Il devra conclure que le champ de gravitation modifie la nature euclidienne de son repère "galiléen".
L'abandon de l'espace euclidien en présence d'un champ de gravitation, conduira Einstein à adopter un espace courbe dont la courbure explique le champ de gravitation. Ainsi, tous les corps se déplaçant librement dans cet espace courbe, auront des trajectoires similaires. On explique ainsi que la chute des corps, quels qu'ils soient, soit la même, conformément à l'expérience de Galilée. Cette identité de la masse grave et de la masse inerte ne repose que sur l'expérience. L'expérience de Eötvös a permis de mettre une limite à l'égalité des masses grave et inerte. L'égalité serait vraie à au moins un dix milliardième près. De nouvelles expériences spatiales tentent d'abaisser cette limite ou de mettre ce principe d'équivalence en défaut.
Jusqu'à ce jour, la théorie de la Relativité Générale a vu se confirmer toutes ses prédictions :
- L'explication de l'avance du périhélie de Mercure (observé par Le Verrier et interprété par Einstein)?
- La déviation des rayons lumineux au voisinage du Soleil (mesures d'Eddington lors d'une éclipse de Soleil)
- Les mirages gravitationnels (dédoublement de quasars, arcs autour des amas de galaxies)
- Le changement de longueur d'onde dans un champ gravitationnel (expérience de Pound et Rebka)
- L'émission d'ondes gravitationnelles (Pulsar double de Taylor et Hulse avec le calcul relativiste de Th. Damour)
- Le changement du temps dans un champ de gravitation (effet Shapiro du retard des échos radar près du Soleil)