Astrophotographie en accompagnement éducatif (AE)

par Olivier Gayrard last modified 2011 Jul 16 01:45

Comment accomplir avec les élèves en classe et en plein jour, une activité essentiellement réalisable de nuit ?

Astrophotographie en accompagnement éducatif (AE)

Astrophotographie en AE

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Comment accomplir avec les élèves en classe et en plein jour, une activité essentiellement réalisable de nuit ? J’indique ici uniquement le moyen que j’ai utilisé. Que le lecteur sache simplement que toutes exploitations d’activités suite aux travaux photographiques l’ont été grâce aux CC (1). Mais avant tout, il s’agissait de donner confiance à des élèves scolairement en difficulté. L’objectif visé : l’autonomie. Le moyen : le reportage astronomique.

L’accompagnement éducatif : pour qui ?

Ce dispositif est conçu pour les élèves volontaires. Au collège, tous les élèves sont concernés mais les élèves de sixième sont prioritaires pour favoriser leur adaptation aux exigences du collège. Cet accompagnement est organisé tout au long de l'année. Quatre domaines éducatifs complémentaires sont proposés : l’aide aux devoirs et aux leçons, la pratique sportive, la pratique artistique et culturelle, et le renforcement de la pratique orale des langues vivantes.

Le choix de la photographie astronomique pour une pratique artistique et culturelle.

Monter un projet astronomique en collège n’est pas toujours facile. D’une part, j’étais gêné de « faire » de l’astronomie, sans permettre aux élèves d’avoir une véritable posture d’expérimentation, de recherche. D’autre part, pour coller aux textes officiels, je voulais intégrer la dernière compétence (n°7 : autonomie initiative) du socle commun de connaissances et de compétences (2). Une demande de moyens auprès du département a permis l’acquisition d’un APN EOS 350D (appareil photographique numérique) et d’objectifs (fisheye et téléobjectif 300 mm), déclencheur souple, trépied et sac de transport. Le tout d’occasion.

Travail au cours d’une séance.

Le point de départ. Le but étant de faire réaliser des photographies de phénomènes astronomiques, chacun des mini-projets a été impulsé par le professeur. Inutile de préparer la veille d’une pleine lune la photographie de la lumière cendrée! Les nombreuses publications d’éphémérides permettent d’établir un calendrier des futurs travaux.

En cours de séance :

  • Chaque séance est partagée en trois. D’abord, le compte rendu fait par l’élève ayant pris la photographie de l’activité réalisée la semaine précédente. Il est arrivé que le récit se résume à : « le ciel était nuageux », mais aussi par des échecs ; surexposition, bougé, ...
  • Dans un deuxième temps, le groupe exploite la photographie. Le professeur corrige, oriente, débloque une situation, ..., mais sans chercher à donner l’explication du phénomène observé. Il peut-être utile d’avoir des photographies de secours, ou d’utiliser un logiciel tel Stellarium.
  • Pour finir, le professeur présente un nouveau projet, et un ou plusieurs nouveaux élèves s’entraînent à la réalisation de cette future photographie.

Exemples de séances.

- Les premières séances sont bien sûr consacrées à l’APN. Les élèves s’exercent à le monter sur le trépied. Nous découvrons les possibilités qu’il offre. Pour cela, je dispose des ampoules de valeurs nominales différentes, puis nous faisons l’obscurité dans la pièce. A l’aide d’un vidéoprojecteur, nous comparons ensuite les photographies prises sous différents temps d’exposition, valeurs d’ouverture et d’ISO. Nous simulons le filé d’étoiles en déplaçant doucement les ampoules. Nous confrontons deux photographies prises avec des focales différentes.

Un des objets le plus facile à photographier est la Lune.

Le suivi d’une lunaison, les différentes phases qu’elle présente, l’explication de ce fait, a été notre premier objectif. Mais la Lune est bien plus riche en phénomènes, dont voici un programme de recherche non exhaustif.

  • Reconnaitre les principales formations lunaires, et les lieux où les missions lunaires se sont posées
  • Vérifier si oui ou non la Lune est plus grosse à l’horizon.
  • Observer si le diamètre apparent change. (Entre le périgée et l’apogée).
  • Observer la couleur d’une éclipse de Lune, et l’ombre produite par la Terre.
  • Observer la lumière cendrée.

Le Soleil

  • Observer une éclipse de Soleil, (avec filtre).
  • Observer les taches solaires, et évaluer la période de rotation du Soleil, (avec filtre).

Le reste du ciel n’est pas oublié.

Le trophée du ciel le plus pur peut être attribué à celui qui aura fait apparaître le plus d’étoiles d’une zone du ciel établie à l’avance. (Après mise en place d’un protocole ne biaisant pas l’exploitation des photographies).

  • Reconnaitre les constellations, apprendre à nommer les étoiles et savoir s’orienter. Pour cela, relier à l’aide du logiciel Paint les étoiles et faire apparaître les constellations.
  • Observer la couleur des étoiles. (Seule activité proposée par un élève).
  • Photographier le passage de l’ISS, étoiles filantes, comparer à la trace laissée par un avion.
  • Observer que Jupiter a des satellites.
  • Suivre une planète.

...

Deux exemples développés.

Séance courte

une photographie de Jupiter, accompagné de la Lune. L’objectif attribué à notre astro-reporter était de cadrer ces deux astres à la fois. La photographie suivante (Fig.1), a été prise à ISO 400, pendant 1,6 seconde avec une focale de 100 mm. De retour en classe, nous visualisons le travail réalisé. Puis on utilise le zoom fois 400 du logiciel Paint. Je dis à mes élèves en pointant du doigt les points lumineux qui entourent Jupiter : « De quoi s’agit-t-il ? » Quelqu’un répond rapidement : « D’étoiles. » Je montre alors une photographie prise dans les mêmes conditions de prise de vue, mais quelques jours avant. Les points ne sont manifestement pas à la même place ! Tout aussi vite, un nouvel élève réplique : « C’est des satellites ! » Nous voyons en effet les quatre satellites de Jupiter: de gauche à droite, Callisto, Ganymède, Europe, et Io. Monsieur Galilée, n’êtes-vous pas surpris de la vivacité de ces jeunes élèves ? Je leur parle alors des travaux de leur illustre prédécesseur.

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Fig.1 : des « étoiles » qui ne tournent pas autour de la Terre.

 

Séance longue

des photographies de Saturne et Porrima. Nos astro-reporters devaient cette fois-ci, avec un objectif de 300 mm, sous un temps de pause de 2 secondes et ISO 800, fixer Saturne, HIP 62103, et Porrima. Si vous avez observé la planète aux anneaux jour après jour avant le 14 juin, nous l’avez vu remonter le ciel vers l’ouest, puis, s’approcher de l’étoile Porrima, (gamma de la Vierge). Elle semblait ralentir, et marquer un temps d’arrêt. Après le 14 juin, la planète Saturne est repartie dans le sens direct, vers l’est. Tout cela a été mis en évidence en superposant les photographies sur un transparent de rétroprojecteur. Au cours des séances, nous avons appris à reconnaitre Porrima de la Vierge, mis en évidence que les planètes étaient bien des « astres errants ». Nous nous sommes interrogés sur son déplacement qui n’est pas régulier. Malheureusement, mes heures d’AE étaient consommées, et j’ai du simuler les futures photographies à l’aide du logiciel Stellarium. Nous avons terminé l’AE en utilisant un planétaire pour résoudre ce mystère. J’ai donc poursuivis seul la fin du travail photographique, (Fig.2).

image2.jpg
Fig.2 : suivi de Saturne du 17/04 au 04/07.

 

La logistique.

Il est préférable que l’heure d’AE soit le vendredi. Ainsi, le professeur peut mieux gérer la météo. De plus, les élèves, qui sont jeunes, et n’ont que le week-end pour veiller un peu, retiennent mieux le protocole. Protocole qui sera inscrit dans le carnet d’observation qui se trouve dans le sac de transport. Par ailleurs, les élèves ont pour consigne de noter dans ce carnet les difficultés rencontrées, et toutes autres remarques.
A la fin de l’heure d’AE, les élèves récupèrent donc le sac contenant tout le matériel et le dépose dans le bureau de la surveillante, en attendant la fin d’après midi. Ils le reposent au même endroit le lundi matin, parfois plus tard dans la semaine. Le professeur a ainsi le temps de regarder les photographies élève, et peut orienter les objectifs de la séance suivante. Au besoin, il utilisera une photographie qu’il aura réalisée lui-même. C’est la raison pour laquelle j’ai fait acheter spécifiquement ce matériel, ayant moi-même ce boitier photographique et ces objectifs. De cette façon, les clichés sont comparables. L’idée de doubler les photographies est à elle seule intéressante.
L’élève est détenteur du matériel et doit réaliser la photographie. Systématiquement, je leur rappelle qu’ils demandent à un adulte, (parents, grand-frère, ...), de les aider, ne serait-ce que pour les accompagner dans un lieu peu pollué par la lumière. Autant que possible, nous vérifions si deux élèves voisins ont la possibilité de travailler ensemble. Enfin, les élèves disposent de mon e-mail sur la boîte académique en cas de soucis.

Conclusion.

Ce n’est pas à proprement parler un atelier scientifique. Eu égard à l’âge et au niveau de compétence mathématique des élèves, nous n’avons abordé que des aspects qualitatifs. L’astronomie a été utilisée dans le cadre de cet AE comme un vecteur permettant l’autonomie de l’élève, point essentiel du socle commun, et de la démarche scientifique. Ses effets ont été positivement mesurables ; le fait de transformer les élèves en astro-reporters permet de renforcer l’estime de soi. La seule élève refusant de prendre la charge d’une photographie, est celle qui a fait le cliché des taches solaires devant ses camarades. Même l’échec, la photographie floue, est un exercice qui peut-être valorisé en classe : recherchons ensemble comment remédier à ce problème. Réessayons encore si possible.

En définitive, j’ai moi-même modifié mon regard sur ces élèves de sixième, que je ne connaissais pas. (La science physique débutant en cinquième).

Florilège des élèves et de leur professeur :

reconnaitre les constellations, observer les taches solaires, le trophée du ciel le plus pur, le suivi d’une lunaison, vérifier si oui ou non la Lune est plus grosse à l’horizon.

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(1) Peut-on faire de la photographie astronomique simple avec un appareil photo numérique ?
Cahier Clairaut n°116, page 27, par Pierre Causeret. Archives des Cahiers Clairaut

(2) Socle commun : Socle qui présente ce que tout élève doit savoir et maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire.


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