Comment commencer en seconde avec le nouveau programme ?

par Denis Chadebec last modified 2010 Sep 09 14:28

Les réformes se succèdent, les problèmes éducatifs demeurent. Aux collègues qui craignent la rentrée de septembre 2010 je propose quelques règles simples qui ont fait leurs preuves comme me l'ont démontré par leurs témoignages les élèves.

Après des débuts techniques laborieux, ce qui m'a valu un apprentissage par l'excellent maître Charles-Henri Eyraud, un premier texte est publié ce matin. Mais il n'est qu'une copie d'un document adressé à d'autres personnes de la liste d'échanges en mathématiques MathLyc (très dynamique en ces temps agités de réformes successives). Je le propose de nouveau après quelques corrections.

Pour faire adhérer un élève aux "disciplines dures" comme les math ou la physique, un petit nombre de règles psychologiques se sont imposées le long de ma carrière de professeur, après des débuts laborieux en lycée professionnel. Ma pédagogie a connu un tournant le jour où un élève m'avait interrompu tout net pour me réclamer : - Monsieur ! C'est bien joli les atomes comme vous nous les décrivez. On n'y comprend rien ! - Tu n'y comprend rien ou tu n'admet pas ce que je te dis ? - On n'admet pas ! Ce qu'on voudrait savoir, c'est comment on a su que les atomes sont comme çà ! - Ecoute, jeune homme : nous sommes vendredi. Vendredi prochain, je te répondrai, car je vais être franc avec toi : il faut que je révise !

Et depuis, régulièrement, en fonction des besoins je révise. Je révise ou explore l'histoire des sciences pour en tirer la meilleure pédagogie possible. Un cours, un T.P. (E ou pas E) ou une correction d'exercice est devenu une interaction féconde : ce sont des élèves qui me l'ont fait savoir, en moyenne une fois par an et par classe. Il s'en dégage quelques règles très simples et qui ne coûtent rien en moyens matériels.

*Règle de la logique du langage* Elle est la matrice de toutes les autres logiques. Or la maîtrise de la langue se dégrade depuis de nombreuses décennies. Un exemple : en seconde, après l'exposé de la problématique de la leçon sur la réfraction de la lumière – la lumière passe d'un milieu à un autre et change d'orientation – je m'arrête tout net à la vue des regards de presque tous les élèves et demande quel est leur souci. Timidement, un jeune homme finit par me demander "où est le centre dont vous parlez ?" : ils ne connaissaient que le sens géométrique du mot milieu. Combien de fois dans leur vie scolaire un élève cesse de suivre un cours parce qu'un détail de langage est incompris ? Pour moi, la vraie et seule raison de l'échec scolaire, c'est çà, la maîtrise du langage.

Et c'est la raison de la

*Règle de la compréhension* Lors de la première séance avec des élèves qui ne vous connaissent pas encore, le jour de la rentrée, juste après les présentations, vous ordonnez solennellement de vous interrompre dès la moindre incompréhension, quel qu'en soit le motif, et dites que pour vous il n'y a pas de question inutile ni de question honteuse. Que la compréhension est absolument priotaire sur tout le reste.

*Règle de la première impression* Aussitôt après, il faut attaquer la première leçon, sans tarder. Le sujet ? Peu importe. Euh si : il est issu d'un thème qui passionne le professeur. L'objectif est que cette séance laisse aux élèves une forte et bonne impression. Ce principe est bien connu des médias, quand est lancé une nouvelle série d'émissions. La première impression est durable. A l'école, elle garantit la confiance ou la défiance au moins pour tout le premier trimestre.

*Règle de l'effet Pygmalion* Même si vous n'en soufflez mot, si vous doutez de la capacité des élèves de comprendre et de suivre, ils le sentent et se sous-estiment. Si vous avez confiance en eux, ils le sentent et prennent confiance. Si vous doutez de vous-même, il le devinent. Ce phénomène est aussi muet que puissant. Il a engendré par exemple des erreurs judiciaires qui défrayèrent la chronique aux Etats-Unis.

*Règle des ressources* Quand ils sentent que vous savez beaucoup de choses dans des domaines variés et surtout quand ils sentent que vous êtes prêts à partager sur leur demande une parcelle de ce que vous savez, tous les élèves, même les pires, vous respectent, et quelquefois vous le disent franchement.

*Règle de la difficulté* C'est toujours sur un sujet difficile ou complexe, un sujet que les élèves redoutent, qu'on peut obtenir leur adhésion à notre discipline. C'est une conséquence directe de la

*loi des émotions* Les recherches au plus haut niveau mondial de la psychologie d'aujourd'hui ont démontré que sans émotion, on n'apprend pas, on ne retient rien, on n'a goût à rien, on n'a pas envie de bien faire. Pour ces chercheurs (Antonio Damasio en tête), une émotion assimilée est un sentiment.

*La mémoire humaine est associative* Hebb, dans les années 1950, a démontré que deux neurones - ou collectivités de neurones – mémorisent la simultanéité des perceptions quand elles sont excitées en même temps, et qu'elles s'ignorent dans le cas contraire. Conséquence pratique : notre connaissance du monde s'enregistre par paysages constitués de lots de neurones qui ont souvent été sollicités ensemble par ce que nous ressentons, et regroupant tout ce que les sens nous envoient, y compris ce qui vient de l'intérieur de nous-mêmes. Donc, notre mémoire est un ensemble de paysages enchaînés en réseaux enchevêtrés, et des émotions font partie de chacun de ces paysages. Antonio Damasio a montré qu'ils sont un facteur essentiel et qu'il existe même des paysages émotionnels supportés par des neurones spécifiques, les neurones miroir. Les dysfonctionnements de ces neurones miroirs sont une des causes de l'autisme.

*Il faut énoncer la nature des sciences physiques* : c'est une immense enquête collective sur le monde, fondée sur le principe de la collecte d'indices par l'observation ou l'expérimentation, suivie de la conceptualisation de théories qui ensuite sont confrontées aux faits nouveaux jusqu'à ce que l'un d'eux soit contradictoire.

*Il faut tordre le cou à la peur des maths* en donnant aux élèves qui le demandent les informations qui leur manque. Rappelons encore une fois : notre boulot consiste à tout faire comprendre à tout le monde, et il faut le dire aux élèves. Il faut leur dire aussi combien de théories mathématiques sont nées de la nécessité chez des physiciens d'un nouvel outil théorique ? Que dire par exemple des lois du hasard et de l'industrie des jeux ? Et que penser de la carrière de Pythagore et de ses liens avec les mathématiques ? Qui a refusé l'entrée de son école de philosophie à ceux qui ignorent la géométrie ?  


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